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le prêtre à expliquer devant le peuple quel avait été l’emploi de sa science et si la patrie en avait profité. Ce que Reuchlin, Ulric de Hutten, Conrad Celtès, Dalberg, Rodolphe Agricola, avaient fait au XVIe siècle, lorsqu’ils renversèrent au nom des jeunes universités la science barbare de la scholastique mourante, les rédacteurs des Annales de Halle le faisaient tout aussi hardiment contre ces mêmes universités, devenues vieilles à leur tour et hostiles au mouvement légitime de la pensée. Ces tableaux des principales universités, ces vives peintures où brillaient, avec l’érudition et le talent, une intention droite et généreuse, produisirent en Allemagne une impression inattendue. C’était là une nouveauté pleine d’audace, mais très légitime, si je ne me trompe, et très heureuse. Sans doute, cette critique déconcerta plus d’une gloire paisiblement établie mais puisque ce monde de la science, puisque les universités occupent en Allemagne une place si considérable et exercent une si véritable influence sur l’esprit de la nation, il est convenable qu’elles soient surveillées comme une institution politique, il est bien qu’elles aient à rendre compte de leurs œuvres. La première qui fut ainsi traduite devant l’opinion, ce fut Goettingue, Goettingue, cette vieille gloire, la plus importante des universités du dernier siècle, celle où l’esprit du nord avait eu ses plus fermes représentans. Mais Goettingue n’a conservé que son nom et ses souvenirs ; sa période de gloire a duré vingt ans, de 1770 à 1790 ; aujourd’hui elle a perdu le mouvement et la vie. Après Goettingue, ce fut Berlin, puis Munich, puis Heidelberg. Aucune d’elles n’était oubliée. À Berlin comme à Goettingue, nos ardens écrivains avaient aussi à signaler de beaux jours, de glorieuses années. Depuis trente ans qu’elle existe, cette jeune université a représenté souvent avec une admirable énergie les ambitions de l’esprit germanique. Avec Fichte, elle a ressuscité un peuple brisé par l’épée de Napoléon ; avec Hegel, elle l’a exalté dans sa victoire. Les critiques des Annales de Halle sont moins contens, on le pense bien, de la situation actuelle ; mais tout cela est dit avec éloquence, avec sincérité, avec un sérieux amour du pays. Les Allemands n’ont point de chambres sérieusement constituées, point de vie publique ; eh bien ! le mouvement des universités semble aux écrivains des Annales le véritable théâtre des destinées de l’Allemagne. Ce que fait la presse dans les pays constitutionnels, quand elle suit avec passion les luttes d’une grande assemblée, les amis de M. Ruge le font avec la même vivacité pour ces parlemens de l’intelligence. Ils nomment les combattans, ils les placent chacun à son poste, ils désirent et provoquent la bataille. Les grandes querelles aca-