Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/1028

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1024
REVUE DES DEUX MONDES.

la poésie reparaît. Nous suivrons un jour ce mouvement nouveau ; jusqu’ici, ce sont surtout des espérances, il faut attendre encore. Je regretterais seulement de ne pas avoir indiqué cette salutaire direction qui se déclare. M. Schücking a consacré à la Westphalie d’intéressantes nouvelles où les mœurs de son pays sont décrites avec beaucoup de bonheur. M. Berthold Auerbach publie en ce moment même une série de romans qui ont été accueillis avec l’empressement le plus légitime ; ce n’est point La Westphalie, c’est la Forêt-Noire qui est le théâtre des histoires si gracieuses et si paisibles de M. Auerbach. Il y a bien un peu de monotonie dans son livre ; mais cette poésie calme, sincère, cette naturelle inspiration est si douce après les grandes prétentions des faiseurs de systèmes !

Il est donc bien certain que la jeune Allemagne n’est plus, elle s’est évanouie devant la jeune école de Hegel. Tous ces écrivains se sont reniés eux-mêmes, et aujourd’hui aucun d’eux ne veut plus avoir fait partie du cénacle. M. Mundt est le seul qui ait gardé ses vives rancunes. Il ne pardonnera jamais aux hégéliens leur violente invasion. À ceux qui lui demandent ironiquement : At tu vere cum illis eras ? M. Mundt répond hardiment que cela est vrai, et il renvoie à la jeune école de Hegel ses dédains et ses injures. M. Mundt professe aujourd’hui à l’université de Berlin, il y fait l’histoire de la littérature allemande depuis Goethe ; or, toutes les fois qu’il rencontre ses rivaux sur sa route, il ne les ménage pas. Comme ses rancunes se trouvent d’accord avec la politique du gouvernement prussien, qui proscrit l’école de Hegel, il lui est permis de tout dire. Dans une de ses leçons, qui ont été récemment publiées, il s’écriait : « Tandis que la doctrine de Hegel, grace à Édouard Gans et à Marheineke, renouvelait la science du droit et la théologie, le grand défaut du système était mis à nu par des disciples médiocres et sans talent, qui, se jetant avec l’arrogance des petits esprits sur les idées de leur maître, perdirent en débauches ce glorieux patrimoine et le dispersèrent dans les ruisseaux. » Nous serons souvent du même avis que M. Mundt, mais il n’en est pas moins vrai que ces paroles sont le dernier cri de la jeune Allemagne. Que restera-t-il de cette école ? De belles pages de M. Wienbarg, ses leçons sur l’esthétique, ses voyages, quelques inspirations fines et ardentes. Il restera aussi le souvenir d’une réforme nécessaire, entrevue d’abord par des esprits généreux, signalée avec enthousiasme, et compromise bientôt par toutes les vanités d’une école puérile et sans direction.

Après cette première victoire, que feront les écrivains de la jeune