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DE LA LITTÉRATURE POLITIQUE EN ALLEMAGNE.

cette effervescence des émeutes littéraires ? Il a apporté dans ces premières luttes beaucoup de cœur et d’esprit ; ame fine et fière, ce n’est pas l’élévation qui lui a manqué, et ses généreux désirs ont protégé long-temps le mouvement avorté de la jeune Allemagne. Désabusé aujourd’hui, il sait mieux que moi, sans doute, quelle erreur c’était de compter si naïvement sur cet humour qu’il recommandait jadis. Je n’ai aucun mérite, d’ailleurs, à lui signaler les inconvéniens de sa poétique, je ne fais que résumer l’histoire de la littérature allemande pendant ces dix dernières années, et c’est son école qui s’est chargée elle-même de lui révéler ce qu’il y avait de faux dans ses espérances. Je reprends rapidement mon histoire.

Ce sera donc l’humour qui deviendra l’arme de la nouvelle école. Attirés par l’exemple de M. Heine et par l’enseignement de M. Wienbarg, par le franc succès des Reisebilder et par le retentissement des Batailles esthétiques, les jeunes écrivains qui se croient appelés à fonder une littérature nouvelle essaieront ce style qu’on leur indique ; mais on verra trop que c’est là chez eux un effort, un parti pris, et ce qu’il y avait de germes heureux chez plus d’un se corrompra dans des œuvres factices. Parmi les principaux écrivains, parmi les jeunes chefs de la nouvelle école, il faut nommer d’abord M. Charles Gutzkow. En suivant M. Wienbarg dans la carrière littéraire, je le rencontre, en effet, à Mannheim, en 1835, fondant et rédigeant, avec M. Gutzkow, la Revue allemande (die deutsche Revue). M. Gutzkow a été un des premiers amis de M. Wienbarg, un de ses premiers compagnons d’armes ; mais quelle distance de l’un à l’autre ! quelle différence profonde entre ces deux esprits ! et comme on aperçoit, dès les premiers pas, cette absence de principes communs qui détruira une alliance impossible et la fera se disperser au moindre vent ! Ils arrivent tous, — j’excepte toujours M. Wienbarg, et je mets à part ses généreuses ambitions, — ils arrivent tous comme à un rendez-vous littéraire, à une académie de beaux esprits. Cette nouvelle Allemagne, cette école nouvelle, plus jeune, plus ardente, qui doit régénérer le pays, ce n’est pour eux qu’une occasion de se faire lire ou écouter. De tout le programme de M. Wienbarg, ils n’ont compris qu’une seule chose : c’est que le style est changé. Au lieu de la prose ample et solennelle du siècle dernier ; au lieu de la poésie élevée et spiritualiste de Goethe, de Schiller, de Herder, on annonce un idiome tout nouvellement inventé, ironique, fin, gracieux et spirituel, s’il est possible. Il y a là de quoi tenter ces jeunes esprits, et les prétendans frappent à la porte. Voilà, certes, une étrange manière de commencer une révolution. Il