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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

taine mesure l’alliance si déplorablement rompue à cette épque. Il est possible que, contre l’ambition gigantesque d’une autre puissance, cette alliance devienne nécessaire et porte de meilleurs fruits que par le passé. Cependant gardons-nous d’oublier que, dans toute association où se trouve l’Angleterre, la part du lion est bientôt faite. Or, comment la part du lion ne se ferait-elle pas si, à côté d’un système complet et vigoureux, la France ne peut placer ni les ressources des monarchies absolues ni celles des gouvernemens représentatifs ; si, ballottée entre deux tendances contraires, elle emprunte à chacune ce qu’elle a d’énervant et de mauvais ; si la direction de ses affaires n’a ni la force qui naît du mystère et de l’unité, ni la puissance qui se puise dans le mouvement libre et énergique de l’opinion nationale ? Dans de telles conditions, on n’a guère moins à perdre avec ses alliés qu’avec ses ennemis, et par les uns comme par les autres on descend inévitablement à ce rang où nous plaçait récemment une feuille ministérielle. Entre nos hommes d’état et sir Robert Peel je ne veux faire aucune comparaison ; mais si sir Robert Peel est un ministre qui honore l’Angleterre, ce n’est point seulement à cause de ses qualités personnelles : c’est aussi et plus encore à cause des forces qui le secondent, des points d’appui qu’il trouve autour de lui, en un mot, de cet admirable mécanisme qui, obéissant à l’impulsion libre du pays, l’a porté au pouvoir, et dont il dispose aujourd’hui. Tout cela, la révolution de 1830 nous l’avait promis, et la constitution nous le donne. Si nous le laissons échapper, c’est notre faute, et nous méritons bien notre sort.

En résumé, sir Robert Peel est moins fort que l’an passé. Je crois qu’il l’est encore assez pour triompher des attaques de ses ennemis, et, ce qui est plus difficile, de la malveillance de ses amis. À vrai dire, il n’a qu’un adversaire redoutable, O’Connell, qui, pendant quatre années, a maintenu un ministère que l’Angleterre voulait renverser, et qui peut-être en renversera un que l’Angleterre veut maintenir. Ce serait un premier châtiment pour l’Angleterre, et pour l’Irlande une première réparation.


P. Duvergier de Hauranne