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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

pas d’ailleurs quelques-uns qui peuvent conduire loin, celui par exemple de laisser pourrir sur pied les récoltes destinées à l’exportation, et celui de ne consommer aucun article frappé d’un droit d’excise ? Ajoutez que, depuis les poursuites, les orangistes, naguère abattus, relèvent la tête et recommencent leurs folies. Ainsi, dans le courant de novembre, ils se réunissaient à Dublin dans une salle dont les murs étaient ornés de devises, telles que celles-ci : Ascendant protestant. — Point de papisme. — Point de concession. — Restauration des évêchés supprimés. — Éducation évangélique. — Rappel du bill d’émancipation, etc. Les journaux ultra-protestans aussi se remettent à vomir les injures les plus grossières contre les prêtres catholiques, ces coquins en surplis. Ce sont là sans doute des excès dont gémit le gouvernement, mais des excès qui portent coup, et qui rendent chaque jour la conciliation plus difficile. Le sort des deux grandes associations politiques qui se disputent le pouvoir en Angleterre, c’est de s’appuyer nécessairement en Irlande sur deux partis dont elles diffèrent profondément et qu’elles n’aiment pas, le parti catholique pour les whigs, le parti orangiste pour les tories. Lord Grey en 1831, sir Robert Peel en 1841, ont voulu s’affranchir de cette nécessité et constituer en Irlande une sorte de juste milieu. Le premier y a succombé, le second semble y succomber en ce moment. Or, le gouvernement pur et simple des orangistes en Irlande, c’est une insurrection.

En Écosse, la ruine du vieil établissement presbytérien, en Irlande une agitation formidable, dans le pays de Galles les exploits étranges de miss Rebecca et l’espèce de guerre sociale qui en est la suite, dans l’Angleterre proprement dite enfin, les classes ouvrières à peine remises encore de la dernière crise industrielle et livrées à une sourde fermentation, voilà la situation du royaume-uni pendant la seconde année du ministère Peel. Il y a pourtant, en ce qui touche l’industrie en Angleterre, une certaine amélioration depuis l’an dernier, et les chartistes sont loin d’être en progrès. Au commencement de l’année, on avait fait grand bruit d’un congrès national pour le suffrage universel. (national complete suffrage conference), qui devait se réunir à Birmingham sous la présidence de M. Sturge. Au jour dit, trois cents délégués en effet vinrent prendre séance, et M. Sturge put croire qu’il allait jouer le rôle d’O’Connell ; mais, au moment où il venait de lire le projet de réforme préparé par le comité, M. Lovett, chartiste, se leva et proposa comme amendement la charte du peuple, qui fut votée par 193 voix contre 94. Une scission eut lieu