Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/908

Cette page a été validée par deux contributeurs.
902
REVUE DES DEUX MONDES.

du pays. C’est enfin M. Roebuck qui ne craint pas de signaler l’église établie « comme une abomination qui rend le peuple fou, comme un cancer qui fait pénétrer dans tout le corps social son infection et sa putridité. » C’est enfin au dehors l’Examiner, c’est le Sun qui marchent dans la même voie. Mais les radicaux, on le sait, sont une faible minorité, et ce n’est point de leur côté qu’incline l’esprit public en ce moment.

Quant aux whigs, il faut le reconnaître sans hésiter, ils ont raison quand à l’agitation actuelle de l’Irlande ils opposent le calme dont elle a joui sous leur dernier ministère. Ils ont raison quand ils rappellent ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont voulu faire pour ce malheureux pays. Ils ont raison quand aux injures qu’O’Connell juge à propos de leur adresser aujourd’hui ils répondent par les éloges dont il les accablait la veille encore du jour où ils perdirent le pouvoir. Sur tout cela, dans les divers débats qui eurent lieu, plusieurs whigs, lord John Russell notamment, trouvèrent des paroles pleines de simplicité, de vérité, de dignité. Est-ce assez ? et quelque bienveillance, quelque impartialité dans l’administration suffiraient-elles aujourd’hui pour pacifier l’Irlande ? Personne ne le pense. C’est pourtant là, à peu de chose près, tout ce que les whigs ont à offrir. Un jour lord John Russell se hasarde jusqu’à dire que « l’Irlande est loin d’avoir obtenu justice entière, que l’état présent de l’établissement anglican ne peut pas durer, que les droits civils des deux peuples doivent être égalisés, le culte de la majorité mis au niveau de celui de la minorité. » Puis, cela dit, il s’arrête, et se garde bien d’indiquer comment il s’y prendrait pour réaliser un tel progrès. Mais voici à côté de lui lord Palmerston qui, plus hardi et plus confiant, explique comment l’égalité civile et religieuse, en ce qui concerne l’Irlande, est entendue par les whigs. L’Irlande, selon lord Palmerston, désire trois choses :

1o  Une loi nouvelle qui, modifiant les rapports du propriétaire et du paysan, établisse une tenure fixe et indemnise obligatoirement le fermier de toutes ses dépenses. Lord Palmerston pense que ce serait là une sorte de confiscation. Tout ce qu’il y a à faire, c’est d’engager les propriétaires à user plus doucement de leurs droits.

2o  La destruction de l’établissement protestant. Lord Palmerston ne peut s’y associer, et craint en outre que le moment ne soit passé d’attacher à l’état, par un salaire, le clergé catholique ; mais on peut autoriser les propriétaires catholiques ou protestans à doter les prêtres catholiques de quelques morceaux de terre d’une étendue mo-