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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

bill des armes. Ce bill, qui soumet à de certaines restrictions et à un certain contrôle la possession des armes à feu et des munitions de guerre en Irlande, existe depuis 1807, et n’a cessé, pendant près de quarante ans, d’être renouvelé par toutes les administrations, entre autres par celle de lord Melbourne. Les whigs n’auraient donc guère pu le combattre, si, pour le rendre plus efficace, le gouvernement n’avait cru devoir y ajouter quelques clauses, une, entre autres, qui décidait que les armes recevraient une certaine marque. C’est sur cette marque que s’appuyèrent les whigs pour protester contre la tyrannie des tories. Unis aux radicaux, ils combattirent donc pied à pied ce malheureux bill, qui ne put passer qu’après avoir occupé vingt séances et donné lieu à cinquante-une divisions. Ils soutinrent aussi M. O’Brien, qui demandait une enquête sur l’état de l’Irlande, et dont la motion ne fut rejetée qu’à 243 voix contre 164 ; mais leur zèle n’alla pas jusqu’à tenir compagnie à M. Ward, qui, tranchant dans le vif, proposa nettement de partager les revenus anglicans entre l’église anglicane, l’église presbytérienne et l’église catholique, proportionnellement au nombre des fidèles attachés à chaque culte. Le jour où se discutait cette motion, les whigs s’absentèrent et la laissèrent périr d’inanition.

Quoi qu’il en soit, le bill des armes, la motion O’Brien, la motion Ward et les interpellations au sujet des évènemens qui se passaient en Irlande permirent d’examiner la question irlandaise sous toutes ses faces, et forcèrent chaque parti à s’expliquer nettement. Écartant tous les incidens qui souvent rendirent le débat si orageux et si dramatique, allons donc au fond des choses, et voyons ce que peuvent ou veulent offrir à l’Irlande les radicaux, les whigs et les tories. Il est d’abord un point sur lequel radicaux, whigs et tories se montrèrent parfaitement d’accord, la nécessité absolue de maintenir l’union ; mais, comme le fit très justement observer M. Shiel, il y a quelque chose de plus important que de déclarer le rappel impossible : c’est de faire qu’il le soit en détruisant les griefs sur lesquels il s’appuie. « Rappeler l’union, rétablir l’heptarchie ! on nous oppose sans cesse cette parole ironique de Canning, s’écria-t-il un jour dans un de ses plus brillans discours ; c’est à merveille. Supposez néanmoins un parlement impérial qui, les yeux fixés sur une vieille carte, fasse certaines lois pour le royaume de Kent et certaines autres pour le royaume de Mercie ; supposez que dans Essex il y ait une franchise municipale et dans Sussex une franchise différente ; supposez que dans le reste de l’île le bill des droits soit inviolable et qu’il ne le soit