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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

adorée et lui faire perdre l’amour de ses fidèles Irlandais. Mais les Irlandais n’étaient pas dupes ; ils savaient que la reine gémissait sous le poids de la plus dure oppression, et, quoi qu’on lui fît dire, elle ne cesserait pas d’être le pouls du cœur (the pulse of the heart) de l’Irlande. Les whigs, d’ailleurs, valaient encore moins que les tories, et lord John Russell était un ennemi plus dangereux que le duc de Wellington. » Bientôt le grand agitateur ne s’arrêta pas là, et après la destitution des juges de paix membres de l’association, ce n’est plus à quelques hommes qu’il visa, mais à l’Angleterre elle-même. S’emparant avec audace et habileté d’un mot de lord Lyndhurst : « On nous a dit, s’écria-t-il, que nous sommes étrangers par la race, par la langue, par la religion. On a dit vrai, et, loin de blâmer lord Lyndhurst, je le remercie. Oui, nous sommes étrangers à l’Angleterre, et, quand nous luttons contre elle, c’est une tyrannie étrangère que nous voulons secouer. » Une fois sur ce terrain, O’Connell n’en bougea plus, et le mépris du Saxon, la haine au Saxon devinrent l’inépuisable sujet de ses allocutions passionnées. C’est alors qu’on le vit chaque jour étaler avec complaisance, aux yeux du monde, les faiblesses, les échecs, les inquiétudes de l’Angleterre, et compter ses ennemis. C’est alors qu’on l’entendit énumérer avec le ton de la menace les forces physiques dont il pouvait disposer, et répéter vingt fois qu’à Waterloo le duc de Wellington n’avait pas une telle armée. « Nous n’attaquons pas ; mais si l’on nous attaque, il n’est pas un de nous qui ne soit prêt à mourir pour son pays. Pour moi, je réponds que jamais les Saxons ne me fouleront aux pieds, ou du moins qu’ils ne fouleront que mon cadavre. Qu’on se rassure pourtant, les Saxons savent que l’Irlande de 1843 n’est plus celle de 1798 ; ils savent qu’elle est forte, pleine d’enthousiasme, et que ses femmes suffiraient pour mettre en fuite l’armée qu’on enverrait pour la soumettre. Ils savent aussi que l’Amérique, que la France nous regardent et se tiennent prêtes à venir à notre secours. C’est pourquoi les Cromwell du jour n’oseront pas recommencer leurs menaces. Le duc de Wellington va, dit-on, envoyer en Irlande 30,000 soldats anglais. Tant mieux ; ce sont 30,000 shillings par jour que l’Irlande gagnera. Vivent les soldats anglais, les plus braves soldats du monde ! N’est-il pas scandaleux qu’ils ne puissent pas, comme en France, arriver au grade d’officier ? Il est d’ailleurs absurde de dire que le rappel de l’union n’aura pas lieu, parce que, dans aucun cas, la chambre des lords n’y consentira. La chambre des lords est prudente, et il ne faudrait pour la déterminer qu’une menace de la France, de l’Amérique ou de la