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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

ceux qui l’ont suivie ; mais elle rencontre de grands obstacles, et ne parvient pas toujours à les surmonter. Ainsi, pour satisfaire aux besoins religieux du pays, il lui faudrait 700 églises, qui coûteraient à construire 350,000 liv. st. Jusqu’ici, elle a réuni 206,702 liv. st., sans compter, pour fonds d’entretien (sustentation fund), 28,206 liv. st. qui, partagées entre les ministres séparés, leur donnent à peu près 60 liv. sterling, par personne. Malheureusement les difficultés financières ne sont pas les seules, et il en est qui tiennent à la constitution de la propriété en Angleterre. Dans certains districts, dans certains comtés même, la terre appartient tout entière à des propriétaires, opposés à la nouvelle église, et qui refusent absolument de lui en vendre ou de lui en louer un morceau. La nouvelle église alors a recours à divers expédiens. Ainsi, elle construit des tentes qu’elle dresse sur les routes et où elle célèbre l’office divin. Elle a aussi acheté plusieurs vieux bâtimens qui parcourent les lacs, pénètrent dans les golfes, et qui jetant l’ancre de temps en temps, le long de la côte, offrent aux fidèles des églises flottantes. Cependant tout annonce que cette situation précaire ne durera pas. Déjà les justes réclamations de la nouvelle église, soutenues par l’opinion publique, ont vaincu la résistance du duc de Sutherland, qui, seul propriétaire, ou peu s’en faut, du comté qui porte son nom, avait d’abord refusé de l’y laisser entrer. Comme d’ailleurs les populations paraissent beaucoup plus favorables à la nouvelle église qu’à l’ancienne, il est possible que bientôt l’Écosse, comme l’Irlande, offre l’anomalie de deux églises : l’une, celle d’une faible minorité, établie et richement dotée ; l’autre, celle d’une majorité immense, sans autre ressource que des souscriptions volontaires. Il y a là un danger sur lequel il est impossible que les hommes qui gouvernent l’Angleterre n’aient pas porté leur attention.

Il serait certainement injuste de chercher un grief contre le ministère dans une crise préparée depuis neuf ans, et qui eût éclaté sous les whigs comme sous les tories. Cependant pour le vulgaire, on le sait, les hommes politiques sont responsables de leurs malheurs aussi bien que de leurs fautes, et c’est un malheur pour le ministère Peel d’avoir assisté sans pouvoir l’empêcher à la ruine du vieil établissement écossais. Quand les whigs lui reprochent de n’avoir rien fait pour s’y opposer, ils n’ont pas d’ailleurs tout-à-fait tort. Ainsi, avant le 18 mai, lord Campbell dans la chambre des lords, M. Fox-Maule dans la chambre des communes, voulurent soulever la question ; mais le ministère, qui était alors en négociation avec le tiers-