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duire deux effets contradictoires, effrayer et courber quelques ames faibles, irriter et pousser à bout les esprits les plus fermes et les plus convaincus. Par degrés donc, les principaux des non-intrusionistes avaient jeté au vent toute idée de transaction, et augmenté leurs prétentions. Ainsi, en 1834, la loi du veto leur suffisait. En 1841 et 1842, ils demandaient expressément l’abolition du patronage et la destruction de toute juridiction civile dans les matières religieuses. Dans l’assemblée de 1842, deux propositions dans ce sens furent même faites par le docteur Chalmers, et adoptées, l’une par 216 voix contre 147, l’autre par 241 contre 110. C’est ainsi que se posa la question lors du renouvellement de l’assemblée générale, et il fut bientôt aisé de juger qu’à ce moment suprême plusieurs des anciens non-intrusionistes s’apprêtaient à changer d’opinion. Il se forma donc au sein des presbytères un tiers-parti qui, se rattachant à l’ancienne opinion de lord Aberdeen, se mit en rapport avec le ministère, et promit, si cette opinion était définitivement adoptée par le gouvernement, l’abrogation de la loi du veto. L’arrangement ainsi conclu, la majorité se déplaça, et les non-intrusionistes n’eurent plus qu’à se soumettre ou à se retirer. C’est à ce dernier parti qu’ils s’arrêtèrent, et le 18 mai, jour de la réunion de l’assemblée générale, on vit le tiers à peu près des membres présens faire entendre par la bouche de l’ancien modérateur (président) une protestation solennelle contre le patronage, et sortir en procession de la salle des séances, pour aller, à travers une foule silencieuse, se constituer en église libre. Ainsi, pour obéir à ce qu’ils regardaient comme un devoir de conscience, et pour maintenir la vieille indépendance presbytérienne, 450 à 500 ministres renoncèrent volontairement à leur temple, à leur presbytère, à leur revenu, et entrèrent, jeunes et vieux, valides et infirmes, dans une carrière qu’ils savaient hérissée de difficultés et pleine de souffrances. C’est là, quelque opinion qu’on puisse avoir du fond de la querelle, un admirable spectacle, un spectacle qui dans ce temps d’égoïsme et d’engourdissement moral doit assurer à ceux qui l’ont donné le respect et la sympathie de tous les esprits élevés.

Depuis ce moment, les choses ont marché, comme on pouvait s’y attendre. D’un côté, l’assemblée générale a rapporté la loi du veto, et a reconnu dans les questions qui touchent au patronage la suprématie des tribunaux civils. De l’autre, l’église libre, soutenue par les presbytériens d’Irlande et par les dissidens d’Angleterre, a travaillé sans relâche à se procurer les moyens matériels de ne pas faire faute à