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prend facilement, frapper au cœur le droit de patronage tout en paraissant le maintenir. Aussi, à dater de ce jour, une lutte sérieuse s’établit-elle entre les presbytères et les patrons. « La loi du veto disaient ceux-ci, est à la fois illégale et injuste. Elle est illégale car l’assemblée générale du clergé ne compte pas au nombre de ses prérogatives celle de réformer un statut impérial. Elle est injuste, car elle viole les droits de la propriété pour remédier à des abus qui n’existent pas. De quoi en effet peut se plaindre l’église ? Les patrons à la vérité choisissent les ministres ; mais ils les choisissent parmi les hommes que les cours ecclésiastiques ont reconnus dignes par leur moralité, par leur science, par leur doctrine, de prêcher la parole de Dieu. Voilà une première garantie ; il y en a encore une seconde. Quand un pasteur est choisi par le patron, avant son installation, tout communiant est admis à soutenir et à prouver devant les cours ecclésiastiques que, sous le rapport de sa moralité, de sa science ou de sa doctrine ce pasteur est inhabile à remplir ses fonctions, et si les cours ecclésiastiques en jugent ainsi, l’installation n’a pas lieu. Toutes les craintes que l’on soulève, tous les scrupules que l’on manifeste sont donc mal fondés, et c’est d’une pure usurpation qu’il s’agit. »

À cela les non-intrusionistes répondaient « qu’en réduisant le droit des fidèles au droit de comparaître devant les cours ecclésiastiques et d’y présenter leurs réclamations sur certains points déterminés, les patrons méconnaissaient à la fois les anciens priviléges de l’église et le véritable caractère de la mission que les pasteurs ont à remplir. Outre l’aptitude qui lui est personnelle et qui le suit partout, il faut que le pasteur ait certaines qualités spéciales qui lui donnent action sur la communauté même dont il est appelé à devenir le guide. Ainsi on peut comprendre un homme très moral, très savant, très orthodoxe, et qui, par cela seul qu’il n’aura pas la confiance de telle ou telle paroisse, laissera périr les ames qu’il est appelé à sauver. La conséquence, c’est que, conformément aux anciens principes, les communians doivent, sinon choisir leur pasteur, du moins l’agréer. L’assemblée générale, en remettant ces principes en vigueur, n’a point outrepassé ses droits, mais accompli son devoir. »

Il est bon de dire tout de suite que, dès 1838 ou 1839, une opinion mixte essaya de se faire place entre ces deux opinions absolues. Selon cette opinion, dont lord Aberdeen, zélé presbytérien lui-même, se fit l’organe à la chambre des lords, il appartenait au patron de nommer, aux fidèles de faire des objections, à l’église de décider.