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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

bruit pour arriver à une bravade impuissante. C’est une seconde édition de la réduction de la rente ; c’est un amendement annuel à ajouter à l’amendement sur la Pologne, à cet amendement qui, depuis douze ans, figure si honorablement dans les adresses de la chambre des députés. Désormais, à côté de la nationalité polonaise, on placera le droit de visite, ce qui n’empêchera ni l’empereur Nicolas d’écraser la Pologne, ni les officiers anglais de visiter les bâtimens français. Il est même probable que M. Guizot, qui connaît son monde, ne se donnera pas la peine d’écrire à ce sujet un seul mot à lord Aberdeen, ou que, s’il le fait, ce sera pour la forme et afin de se préparer pour la prochaine session une réponse de quelques minutes. En attendant, jamais le peuple aimable et léger qui s’agite de l’autre côté de la Manche n’avait mis plus en relief son caractère national. »

Il reste à savoir, et l’on saura bientôt, si les chambres françaises ont mérité toutes ces moqueries, et si l’amendement sur la Pologne a vraiment trouvé un frère jumeau. Quoi qu’il en soit, à dater de notre dernière adresse, le traité de visite a cessé d’être une affaire en Angleterre, et c’est tout au plus s’il en a été question deux ou trois fois en passant dans la dernière session. Il faut en dire à peu près autant des grandes conquêtes que nous avons faites dans l’Océan Pacifique, conquêtes qui, disait-on, devaient exciter toutes les jalousies de notre fière rivale. Si les missionnaires et ceux qui les appuient ne s’en fussent émus un peu, personne n’y aurait songé, pas plus l’opposition que le parti ministériel. Ce fut même pour les journaux tories, pour le Times et le Standard entre autres, un sujet de nouvelles plaisanteries. « Il est clair, disait le Times un jour, que si l’occupation des Marquises ou d’Otaïti pouvait avoir quelques avantages politiques ou commerciaux, l’Angleterre ou les États-Unis auraient devancé la France ; mais cette occupation est bonne tout au plus à donner aux ministres français l’occasion de conférer quelques emplois et de faire quelques phrases un peu ronflantes. » — « Il serait étrange, ajoutait-il un autre jour, qu’une nation qui possède au moins une province dans chaque mer et sur chaque continent vînt se quereller avec la France au sujet d’un petit potager (kitchen garden) dans l’Océan Pacifique. » — Puis le Standard, organe particulier de sir Robert Peel, prétendait que, « loin de voir avec peine l’occupation par la France de quelques îles dans l’Océan Pacifique, l’Angleterre devait s’en réjouir. Ce sont des otages de paix, car il est évident que dans les six premiers mois de la guerre l’Angleterre s’en emparerait. » D’après cela, il n’est pas surprenant que les plaintes