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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

les parties du traité Ashburton, qu’il déclara dérisoire, funeste et presque déshonorant. Averti par les échecs précédens, il évita pourtant de conclure et se borna à demander la production de quelques correspondances qui, son expérience le lui indiquait assez, ne pouvaient pas être produites. Ce fut pour sir Robert Peel un premier avantage. « Pourquoi, dit-il à lord Palmerston, ne proposez-vous pas purement et simplement un blâme contre le traité et contre ceux qui l’ont fait ? C’est ainsi que l’opposition a agi en 1783 lors de la paix de Versailles, et en 1803 après la paix d’Amiens, bien que ces traités et cette paix fussent signés et ratifiés. Mais lord Palmerston sait qu’à sa motion je répondrais par celle d’une complète approbation, et que la mienne, non la sienne, passerait à une grande majorité. » Puis, entrant largement dans la voie des récriminations, qui jusqu’à ce jour lui avait si bien réussi, il établit que, sur la question des limites du Canada comme sur celle du droit de visite, les whigs n’avaient rien fait, pendant leurs dix années de pouvoir, qu’embrouiller les choses et irriter les esprits. Et comme lord Palmerston reprochait au traité de visite américain d’avoir empêché la ratification du traité de visite français : « Ce n’est, s’écria sir Robert Peel en regardant son adversaire en face, ce n’est ni lord Ashburton ni le général Cass qui ont empêché la France de ratifier le traité de 1841, c’est lord Palmerston lui-même. » Et il se rassit aux applaudissemens non-seulement du parti tory, mais d’une portion notable du parti radical.

Cette première journée était mauvaise pour lord Palmerston. La seconde le fut bien davantage. Après quelques paroles de sir Charles Napier contre le traité, un membre s’avisa de demander que la chambre fût comptée, et il se trouva qu’il y avait seulement trente-sept membres présens. La motion tomba donc de son propre poids, et le lendemain lord Palmerston, au milieu d’une hilarité générale, déclara qu’il ne la relèverait pas, se trouvant en définitive fort content du résultat. Pour compléter sa satisfaction, un membre de l’opposition, M. Hume, s’empressa alors d’annoncer qu’il proposerait un vote de remerciemens à lord Ashburton et aux ministres qui avaient ratifié le traité. C’était, sir Robert Peel lui-même en fit la remarque, une motion insolite et qui ne pouvait s’appuyer sur aucun précédent. M. Hume n’en persista pas moins, et, malgré la très vive opposition de lord Palmerston et de lord John Russell, emporta le vote à 238 voix contre 96. À la chambre des lords, lord Brougham fit une motion analogue qui, faiblement combattue par lord Lansdowne,