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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

men fait, il se trouva que, si les mesures astronomiques donnaient gain de cause à l’Angleterre, l’Amérique, au contraire, avait raison d’après les mesures géocentriques. Le roi des Pays-Bas, avec beaucoup de sagesse, pensa donc qu’il ne devait se prononcer ni pour l’une ni pour l’autre, et qu’un compromis était le seul moyen d’en finir. C’était là outrepasser son mandat, et, en 1832, les États-Unis refusèrent la transaction. À la suite de ce refus, plusieurs propositions et contre-propositions eurent lieu, jusqu’au jour où lord Palmerston mit en avant la singulière idée de s’adresser au roi de Prusse, au roi de Sardaigne, au roi de Saxe, et de leur demander non de juger le différend, mais de nommer chacun un savant pour former une commission. Cette idée, comme bien on le pense, n’eut aucune suite, et sous l’influence de l’affaire de la Caroline et de l’affaire Mac-Leod, l’irritation alla croissant, et ne tarda pas à compromettre la paix des deux pays. C’est alors que sir Robert Peel se décida à envoyer en Amérique lord Ashburton, qui, en peu de temps, conclut un traité à peu près sur la base du compromis proposé par le roi des Pays-Bas. D’après ce compromis, l’Angleterre obtenait les vingt-cinq soixantièmes du territoire contesté. D’après le traité Ashburton, elle en obtint les vingt-quatre soixantièmes. Elle accorda de plus aux Américains un libre passage sur le fleuve Saint-Jean.

Au premier coup d’œil, l’arrangement paraissait assez satisfaisant, surtout quand on considère que la querelle durait depuis soixante ans, et que les terrains contestés avaient fort peu d’importance ; mais depuis la signature le hasard fit découvrir à Paris, aux archives des affaires étrangères, une carte marquée à l’encre rouge, qui, disait-on, y avait été déposée par Franklin, et qui condamnait les prétentions de l’Amérique. À l’aide de cette carte, l’opposition eut beau jeu à soutenir que le négociateur américain, M. Wesbter, n’avait point été de bonne foi, et que le négociateur anglais, lord Ashburton, s’était laissé duper. Il fut donc convenu que le traité serait présenté comme un acte de faiblesse et d’ignorance, comme un acte qui abandonnait sans compensation les droits et les intérêts de l’Angleterre.

Voilà pour le premier point. Quant au second, il n’en était rien dit dans le traité, bien qu’il en pût résulter de graves conséquences. Il s’agissait en effet, non plus de quelques terrains incultes et presque déserts, mais d’un territoire fertile, bien arrosé, de 300 lieues de long sur 200 de large, et qui, situé entre les Montagnes Rocheuses et l’Océan Pacifique, est peut-être appelé dans un avenir peu éloigné