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REVUE. — CHRONIQUE.

disait avec raison que cette poursuite n’était utile que pour celui qui aurait eu l’étrange envie de faire une étude de la chicane anglaise. Ce n’a été, en effet, jusqu’ici qu’un débat de procureurs ; les agens du gouvernement et les repealers s’y sont également montrés sous les proportions les plus exiguës. Il est vrai qu’en se rapetissant ainsi, O’Connell s’exposait à perdre ce prestige, cette grandeur quelque peu théâtrale qui fait sa force, tandis que le gouvernement, gouvernement puissant, peut se relever facilement d’un échec momentané. On assure que le ministère anglais songe sérieusement à faire quelque chose pour l’Irlande, et en particulier pour les intérêts matériels du pays. Cela vaudra mieux qu’un procès qui ne termine rien, et qui n’ôtera rien à l’Irlande de sa nombreuse population, de sa profonde misère et de ses vieilles rancunes.

Les chambres sont convoquées pour le 27 décembre. Les divers ministères travaillent à la préparation des projets que le cabinet se propose de présenter. Selon toutes les apparences, c’est sur des questions intérieures que porteront essentiellement nos débats législatifs : les chemins de fer pour les intérêts matériels, l’enseignement secondaire pour les intérêts moraux, seront, ce nous semble, les deux questions capitales de la session.

À vrai dire, le ministre des travaux publics s’occupe activement d’autres questions non moins compliquées et non moins graves que les questions relatives aux chemins de fer ; mais les projets, qu’il doit soigneusement élaborer, ne pourront être présentés à la session prochaine.

La question de l’enseignement secondaire est celle qui dans ce moment occupe le plus les esprits. Elle a pris les allures et les proportions d’une question politique. Elle touche désormais aux plus hauts intérêts de la famille et de l’état, de l’état, qui, lui aussi, a des obligations sacrées à remplir, des droits imprescriptibles à défendre. La vie de l’état est notre vie à tous ; sa force est notre force ; son avenir est l’avenir et l’espérance de nos enfans, et le jour où l’état, par aveuglement ou par faiblesse, abandonnerait la puissance qui lui est nécessaire, les droits qui lui sont essentiels, ce jour-là notre existence civile, notre grandeur nationale, seraient compromises ; l’ordre ferait place au désordre, la règle à l’anarchie. Il faut donc pour l’enseignement, comme il a fallu le faire pour la presse, pour l’exercice des professions libérales, bref, pour tous les faits du monde extérieur qui pourraient, dans un régime d’absolue liberté, frapper l’état d’impuissance et mettre en péril la sûreté générale et particulière, il faut, dis-je, concilier la liberté de l’individu et de la famille avec les droits et les obligations non moins légitimes de la puissance publique. Le problème peut être plus ou moins difficile à résoudre, selon la matière, selon les circonstances, mais dans ses élémens et dans ses conditions il n’a rien de nouveau, il ne présente rien d’insolite. C’est le problème qu’offrent au publiciste toutes les facultés de l’homme qui se manifestent par des faits matériels, par une action sur autrui ; c’est le problème dont la solution constitue toute la science du gouvernement. Que n’a-t-on pas dit de la liberté de la presse et de la difficulté de la régler,