Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/839

Cette page a été validée par deux contributeurs.
833
REVUE. — CHRONIQUE.

les murs de Barcelone. Enfin, tout paraissait annoncer que les partis politiques voulaient quitter la rue et le champ de bataille pour se mesurer sur le terrain de la légalité, et ce résultat vient aussi de se réaliser au sein des cortès. Le parti gouvernemental et l’opposition s’y organisent régulièrement ; les deux partis ont pour chefs M. Olozaga et M. Cortina. M. Olozaga amène aux conservateurs une trentaine de progressistes ; M. Cortina en garde soixante. Avec les quatre-vingts christinos ou modérés, comme on voudra les appeler, et avec quelques espartéristes et quelques carlistes ralliés, le parti gouvernemental comptera pour le moins cent vingt à cent trente voix dans la chambre des députés ; en même temps l’opposition, et par le nombre et par la valeur des hommes qui la composent, sera de nature à ce qu’il faille compter avec elle, et ne pas en mépriser les attaques et les avertissemens. On peut donc espérer de voir le gouvernement représentatif se développer en Espagne, comme il s’est développé graduellement en Angleterre et en France. Il serait sans doute ridicule d’imaginer que les Espagnols viennent d’entrer dans l’âge d’or, que leurs passions sont complètement amorties, et qu’une lumière surnaturelle a tout à coup éclairé leur esprit. L’expérience nous a appris que, même pour les peuples les plus avancés, la vie politique est une vie laborieuse, pleine d’aventures et de périls. L’Espagne n’échappera pas à la loi commune : elle aura ses jours de crise, d’agitation et de danger. Des fautes seront commises, des intrigues seront ourdies ; la vanité et l’ambition prendront, en Espagne aussi, le masque du patriotisme, pour envenimer les débats et sacrifier les intérêts du pays aux intérêts individuels. Mais il n’y a rien là que le gouvernement représentatif ne puisse surmonter, une fois qu’il est entré fortement dans les voies régulières, et qu’il a, pour ainsi dire, creusé son lit.

Le nouveau ministère est ce qu’il devait être dans la situation du pays, un ministère de coalition, composé d’hommes honorables et éclairés. Il a un beau rôle à jouer, et nous aimons à croire qu’il n’en méconnaîtra pas l’importance et l’éclat. Le ministère Lopez a noblement rempli sa tâche, qui était la proclamation de la majorité de la reine. Le ministère Olozaga se trouve chargé d’une mission plus grave encore et plus délicate : il doit réorganiser le pays et conclure le mariage de la reine. La minorité de la reine était un danger pour l’Espagne : ce danger est conjuré ; mais l’avenir de la monarchie constitutionnelle ne sera consolidé que lorsque le mariage d’Isabelle ôtera leur dernière espérance aux agitateurs et aux intrigans.

La révolution grecque n’autorise pas jusqu’ici de sinistres présages. Les Grecs paraissent comprendre toute la gravité des circonstances où ils se trouvent placés. Il ne s’agit pas seulement, pour eux, de la forme de leur gouvernement, d’un peu plus ou d’un peu moins de liberté : il s’agit d’être ou de ne pas être ; car si le royaume de Grèce existe, toujours est-il qu’il n’existe que d’hier, et que, n’ayant pas encore de profondes racines, il ne pourrait pas résister à une agitation trop violente. Les députés se rendent à Athènes ; à cette heure, l’assemblée aura commencé ses travaux ; le gouvernement en