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fini. Cela pourtant, avec la manière de M. Soulié, n’est pas sans quelque avantage. L’intérêt au moins est tenu en suspens, et on est quitte des dénouemens vulgaires, des communes péripéties. Le champ reste libre à l’imagination du lecteur, et chacun peut prévoir et arranger la fin comme il lui plaît. Dans ses Huit jours au Château, M. Frédéric Soulié a été évidemment préoccupé de faire pièce à M. Sue, et d’opposer ses bohémiens des landes aux bohémiens des Mystères de Paris. Jusqu’à ce que la suite ait paru il est difficile de comprendre à quoi toutes ces histoires d’adultère, de meurtre et de vengeance aboutiront. Voici, en deux mots, où les deux volumes publiés conduisent le lecteur. — Mme Cros, la femme d’un banquier de Paris, part pour assister à l’ouverture du testament d’un oncle récemment mort, qu’elle avait dans le Maine. La famille une fois réunie au château, on va se promener à la lande, et là, Mme Cros fait la connaissance d’un bohémien nommé Maricou, personnage étrange, mystérieux, qui imagine de la prendre tout d’abord pour confidente et de lui demander à cet effet une entrevue nocturne. Cette incroyable entrevue a lieu, et là, Maricou raconte à la jeune femme une horrible histoire. Cet oncle de Mme Cros, qui vient de mourir, est le père du bohémien ; cette horrible Marianne qu’on a rencontrée aux landes, c’est sa mère. Marianne était à la fois la servante et la maîtresse de M. de Chevalaines. Maricou fut le fruit de cet amour. Depuis, M. de Chevalaines prit femme, et Marianne alors tua, sans plus de façon, Mme de Chevalaines et le fils que cette malheureuse venait de mettre au monde. Dès-lors, Marianne se retira dans la lande, et Maricou vécut avec elle comme un sauvage, ce qui n’a pas empêché Maricou de connaître Marie, cette sœur qu’il aime et qui ne le connaît pas, ainsi que Lucie, cette noble cousine, à qui il a donné secrètement son amour ; mais Lucie est jalouse de Marie, que son amant, M. d’Astorc, veut épouser. Dans ces conjonctures, Lucie promet de se donner à Maricou s’il la venge de M. d’Astorc ; en attendant, elle se venge elle-même de Marie en la faisant tomber dans un piége tendu par Marianne.

Ainsi on en est au second meurtre quand le second volume finit, et c’est là, ou à peu près, qu’en est resté M. Soulié. Pour ma part, je doute fort qu’on désire avoir la suite d’une si ridicule et si odieuse histoire. La Gazette des Tribunaux vraiment est mille fois plus aimable et plus intéressante. Déjà, dans le Château des Pyrénées, M. Soulié s’était inspiré plus que de raison de ces lugubres scènes de cour d’assises. Un peu de variété semblerait de mise.

Je ne sais vraiment si je dois nommer un autre roman de M. Frédéric Soulié, qui s’appelle Maison de Campagne à vendre. C’est tout simplement un médiocre vaudeville, où les fautes de français et les calembours abondent, un vaudeville distendu en volume, et qui eût été bon tout au plus pour le théâtre de M. Ancelot, membre de l’Académie française.

Un ancien fabricant de lampes a une maison de campagne à Sceaux et une nièce à marier. Marier sa nièce est son idée fixe. Il fait donc mettre une