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ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

l’entrepont du navire dans les magasins du dock, on la met à l’abri des déprédations sans nombre des batteurs de quais et des rôdeurs de rivière. L’économie annuelle que le commerce de Londres a réalisée, de ce seul chef, par l’établissement des docks, est évaluée à 400,000 liv. st. (plus de 10 millions de francs).

Les docks de Liverpool n’offrent aucun de ces avantages. Comme le port de Marseille et comme les bassins du Havre, ils demeurent à l’état brut ; ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a cent quarante ans. À Liverppol, le déchargement et le dépôt dans les magasins forment deux opérations distinctes. Les docks les plus récens ont des hangars couverts sous lesquels on dépose provisoirement les marchandises, lorsqu’on les enlève des navires, ou au moment de les charger sur les vaisseaux ; mais les magasins sont des propriétés particulières, de vastes maisons à six ou sept étages situées généralement le long du fleuve et parallèles aux docks, avec lesquels elles communiquent par des chemins de fer. Il en résulte une perte notable de temps et d’assez fortes dépenses de main-d’œuvre, sans compter la nécessité d’un personnel nombreux dans les maisons de commerce, avec tous les embarras qu’amène le maniement des cargaisons. Ajoutez que le système des titres de marchandises ou warrants est inconnu sur la place de Liverpool, qui se trouve privée par là d’un moyen réel de crédit.

À Londres, les docks ont été construits par des compagnies qui avaient intérêt à concentrer dans ces établissemens la manutention des marchandises, et qui offraient aux marchands en garantie leur crédit ainsi que leur responsabilité. À Liverpool, c’est la corporation municipale qui en a fait les frais, voulant mettre en valeur des terrains qui lui appartenaient en tant que pouvoir public, mais évitant en même temps de déprécier des magasins qui étaient la propriété particulière de ses membres. Ces propriétés sont considérables ; M. Flachat, dans un article du Dictionnaire du Commerce, les évalue à 41 millions de francs. L’institution des docks rencontre les mêmes obstacles au Havre et à Marseille, où elle a également pour adversaires les propriétaires de magasins cantonnés dans les chambres de commerce et dans les conseils municipaux.

Liverpool est peut-être à la veille d’expier l’égoïsme de ses magistrats. En face de la ville et sur l’autre rive de la Mersey, les commissaires de Birkenhead se disposent à creuser un vaste dock où l’eau couvrirait un espace de 167 acres et qui pourrait recevoir les plus grands vaisseaux. Tous les docks de Liverpool réunis n’ont pas 107 acres d’étendue. Les dépendances de ce bassin offriraient des em-