Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/799

Cette page a été validée par deux contributeurs.
793
ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

charité ou plutôt la maison de travail, le work-house de l’Angleterre, dans le sens littéral de ce mot.

La population agricole est peu nombreuse dans le comté de Lancastre, où elle représente aujourd’hui 9 pour cent du nombre des habitans. Là, tout est villes, usines, manufactures, comptoirs et chantiers de construction. On n’y peut faire un pas sans rencontrer quelque ouvrage qui atteste une conquête de l’homme sur la nature. Aucune partie de l’Angleterre n’est sillonnée au même degré de routes, de canaux et de chemins de fer. Au milieu de ces merveilles, Liverpool et Manchester les résument toutes et sont comme les deux faces d’un même sujet.

Nulle part les liens qui unissent le commerce à l’industrie ne paraissent plus étroits. Liverpool et Manchester sont en quelque sorte solidaires ; l’un de ces établissemens venant à chanceler, l’autre ne pourrait pas rester debout. Il y a mieux. Ces deux villes, qui représentent et qui personnifient l’industrie humaine parvenue à l’apogée de la production, étaient impossibles l’une sans l’autre. Le commerce de Liverpool n’aurait jamais atteint ses dimensions colossales, s’il n’avait eu derrière lui les manufactures de Manchester pour consommer les marchandises importées et pour lui fournir les élémens de ses exportations. Manchester, à son tour, aurait beau être assis sur d’inépuisables bancs de houille, faire des miracles d’invention en mécanique, et posséder une race industrielle qui combine l’audace avec le sang-froid, l’intelligence avec l’énergie, si les commerçans de Liverpool n’avaient pas été là pour expédier ses produits dans les quatre parties du monde. Séparez Liverpool de Manchester, et vous aurez quelque port en décadence, comme Bristol ou Plymouth. Éloignez Manchester de son port commercial, et vous ferez descendre cette métropole de l’industrie au rang de Leeds ou de Nottingham. La raison des accroissemens de Manchester est la même que celle des progrès de Glasgow : on la trouve dans le bas prix de la force motrice, et dans la proximité des grands centres commerciaux.

Autrefois les accroissemens des villes, de même que ceux des empires, s’opéraient avec lenteur ; ils étaient l’œuvre des siècles, qui les déposaient par une incessante alluvion. Aujourd’hui les développemens sont soudains, l’arbre croît à vue d’œil ; en moins de vingt-cinq ans, des villes naissent, et d’autres voient doubler leur population. Le monde marche au pas de course ; les hommes, selon