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ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

pour échanger des produits, et plus les sources de la production sont fécondes, plus le nombre des travailleurs se multiplie.

La population, qui était stationnaire dans le dernier siècle, a fait depuis cinquante ans d’immenses progrès en Europe. Tantôt malgré la guerre et tantôt à la faveur de la paix, presque tous les états ont vu s’accroître leurs habitans. Dans ce mouvement d’expansion, les villes ont généralement gagné plus que les campagnes, et les grandes villes plus que les petites cités. Le cours naturel des choses veut que la mortalité parmi les populations urbaines soit plus considérable que parmi les populations rurales, car des habitudes paisibles et un air pur doivent prolonger la durée de la vie ; mais la force d’attraction dont sont douées les agglomérations puissantes tend à combler les vides qui se déclarent dans leurs rangs. Il s’établit une émigration régulière et croissante des campagnes vers les villes. Attirés par des salaires plus élevés, les laboureurs accourent à ces vastes marchés du travail, et sont bientôt transformés en ouvriers des ports ou des manufactures. Il semble que la reproduction de l’espèce humaine s’opère principalement aux champs[1], et la consommation dans les cités.

Ce caractère distinctif de notre état social n’est nulle part plus marqué qu’en Angleterre. Aucune contrée, dans le monde connu, ne présente un plus grand nombre de villes industrieuses et largement peuplées. En France, on citerait à peine, après Paris, trois ou quatre cités, comme Lyon, Marseille, Bordeaux et Rouen, qui aient plus de cent mille habitans. Dans la Grande-Bretagne, chacune des villes de Liverpool, Manchester et Glasgow compte près de trois cent mille ames ; Édimbourg, Birmingham, Leeds, Bristol, Sheffield et Newcastle ont de cent à deux cent mille habitans. En 1836, les villes de dix mille ames et au-dessus renfermaient, en France, une population de 3,764,219 habitans. En 1831, les cités de cette importance renfermaient déjà dans la Grande-Bretagne, et sur une population générale qui était à peine la moitié de celle de la France, 4,620,000 habitans. À la même époque, 28 personnes sur 100 se vouaient à l’agriculture de l’autre côté du détroit, pendant que les travaux des champs absorbaient chez nous 68 personnes sur 100.

La prépondérance que prennent aujourd’hui les agrégations urbaines est caractérisée dans les deux contrées par les termes suivans. En France, de 1801 à 1836, la population du royaume s’est accrue

  1. Officina gentium, comme dit Tacite.