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consacra tout entier à ses devoirs envers le noble patron, à l’agrément libéral et studieux de cette société romaine qui savait l’apprécier à sa valeur. On était alors sous le pontificat d’Urbain VIII, de ce poète latin si élégant et si fleuri, qui se souvenait volontiers de ses distiques mythologiques, et qui continuait de les scander tout en tenant le gouvernail de la barque de saint Pierre. Dans cette Rome des Barberins, Naudé put se croire d’abord transporté au règne de Léon X, d’un Léon X un peu affadi : son goût littéraire ne sentait peut-être pas assez la différence. Tous ses écrits de cette époque ne furent plus composés qu’en vue de quelque circonstance particulière et en quelque sorte domestique ; moins que jamais le public apparut à sa pensée, ce grand public prochain qui allait être le seul juge. Pour le cardinal son maître, homme d’état, il composa son livre des Coups d’État ; pour son neveu, le comte Fabrice de Guidi, il fit en latin le petit traité de l’Étude libérale, à l’usage des jeunes gentilshommes ; pour un autre neveu, le comte Louis, le gros traité latin sur l’Étude militaire, à l’usage des guerriers instruits. Il dressait en même temps pour leur père, le marquis de Montebello, une généalogie et une histoire de cette famille des Guidi-Bagni. Cœur délicat sans doute et reconnaissant, on le voit empressé de payer sa bienvenue à chacun des membres ; lui aussi, il se sent riche à sa manière, il veut rendre et donner. On peut soupçonner de plus sans injure qu’étranger et nécessiteux, il n’était pas fâché de recevoir. Je ne fais qu’indiquer d’autres opuscules latins, tous également de circonstance, ses cinq thèses médico-littéraires, agréables réminiscences du doctorat[1], espèces d’étrennes et de cartes de visite qu’il envoyait à des amis anciens ou nouveaux ; son traité de la Bibliographie politique, adressé au Père Gaffarel, qui l’avait consulté sur ces sortes d’écrits. De toutes ces productions de Naudé composées durant le séjour d’Italie et couvées, pour ainsi dire, sous le manteau et sous la pourpre, on ne lit plus maintenant, on ne cite plus guère à l’occasion que ses Coups d’État ; et, par leur renom de machiavélisme, ils ont presque entaché sa mémoire.

Nous n’essaierons pas de le justifier plus qu’il ne convient. Naudé n’appartient en rien à cette école de publicistes déjà émancipée au XVIe siècle, et qui deviendra la philosophique et la libérale dans les âges suivans. Sa politique, à lui, garde son arrière-pensée méfiante

  1. Il alla, en 1633, prendre ses degrés à Padoue, à cause de la charge de médecin honoraire de Louis XIII que son cardinal lui avait fait obtenir.