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plus sûr pour ce travail atteignaient l’année 1640, ils prouveraient cette participation, et fourniraient sans doute des éclaircissemens précieux sur la mission secrète de M. de Saint-Pé à Lisbonne dans l’année qui précéda le victorieux réveil de la nationalité portugaise.

De nombreux intérêts communs auraient pu rallier sous un même sceptre les deux royaumes péninsulaires, à l’avantage de l’un et de l’autre, si l’Espagne n’avait été dénuée de toute puissance d’assimilation, et si la main de Philippe II avait pu serrer entre deux peuples un lien quelque peu durable. La séparation du Portugal fut un des grands évènemens du siècle, moins encore parce qu’elle ouvrit aux ennemis de l’Espagne une porte de derrière pour l’attaquer, que parce que la facilité avec laquelle cette séparation fut consommée donna le secret d’une incurable faiblesse. La révolte de la Catalogne, les agitations simultanées de l’Aragon et des provinces basques vinrent mettre à une épreuve plus décisive l’existence même de cette monarchie, qui cessait de faire trembler le monde le jour où elle se voyait condamnée à trembler sur elle-même. L’antagonisme des provinces dépendantes de la couronne de Castille et de la couronne d’Aragon était un fait destiné à se reproduire fréquemment dans le cours de cette histoire. Après s’être révélé sous Philippe IV, il se manifesta avec éclat durant la guerre de la succession, et l’Europe peut en suivre aujourd’hui les dernières traces dans les crises que traverse ce grand peuple pour enfanter son unité politique.

Le concours donné par la population catalane à l’armée française du Roussillon amena les brillans succès qui couronnèrent les deux dernières années du cardinal, succès immenses provoqués presque toujours par les fautes de ses adversaires, et qu’il sut faire tourner au profit de la double pensée poursuivie avec tant de constance au dedans comme au dehors. L’importante place de Sedan fut réunie à la couronne pour racheter la vie du duc de Bouillon, imprudent complice de l’attentat de Cinq-Mars, et la France apprenait, à l’instant même où la tête du grand écuyer tombait à Lyon, qu’elle venait de prendre possession définitive de sa frontière des Pyrénées. Ce fut alors que le cardinal, la main déjà refroidie par les approches de la mort, put écrire à son roi cette lettre fameuse où la joie de la vengeance l’emporte sur la joie même du triomphe : Sire, vos armes sont dans Perpignan et vos ennemis sont morts !

Sous le coup de ces succès, des préliminaires étaient signés entre la France et l’empire, et les puissances belligérantes s’engageaient enfin à régler à Munster les innombrables questions soulevées de-