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Le comte de Soissons, le seul de ses ennemis qui n’eût pas perdu le droit de se faire estimer, devenait le centre et le point d’appui de l’opposition au moment même où les armes de la France étaient le moins heureuses. Plus fier que le chef de sa race, ce prince avait refusé d’unir le sang de Condé qui coulait dans ses veines à celui du cardinal-duc. Malgré l’habileté grande qu’avait apportée le prince pour adoucir la blessure, et le soin qu’avait pris le ministre pour la dissimuler, cette blessure était profonde et les avait à jamais séparés. Retiré de la cour après avoir commandé avec éclat une de nos armées, le comte de Soissons s’était réfugié à Sedan, ce lieu d’asile de tous les princes insurgés contre la couronne. Le duc de Bouillon et le duc de Guise avaient uni leurs griefs à ceux du comte ; ils avaient dû subir bientôt la triste condition imposée à tous les conspirateurs de ce siècle, et avaient signé un traité avec l’Espagne. Des secours de toute nature avaient été prodigués à cette rébellion nouvelle, qui n’était qu’une intrigue de mécontens, mais où le comte d’Olivarès voyait une révolution en espérance.

La diversion faite par ces trois princes compliqua une situation que la guerre, reportée aux frontières de la France, rendait alors très difficile ; mais une mousquetade atteignit le comte de Soissons, et la France vit la main de Dieu dans le coup qui abattait une tête trop élevée pour tomber sous la main du bourreau. Après la mort de son royal allié, le duc de Bouillon s’empressa de négocier un accommodement qui ne l’empêcha pas de retomber bientôt après dans le complot ourdi par M. de Cinq-Mars, tant le besoin de troubler l’état était alors un mal endémique dans les familles princières.

C’était du milieu de ces perplexités qu’il fallait négocier avec toutes les cours et diriger les mouvemens de quatre armées. Comment s’étonner dès-lors si les succès furent souvent compensés par des revers, et s’il fallut poursuivre à travers des vicissitudes bien diverses la réalisation d’un plan que tant d’intérêts venaient traverser ?

La France fut moins heureuse dans ses efforts contre l’empire que contre l’Espagne, et celle-ci ne succomba pas tant sous la force de ses ennemis que sous sa propre faiblesse. Au moment où le monde s’alarmait avec justice de l’extension démesurée de la puissance castillane, on voyait se révéler les premiers symptômes du mal profond qui, après deux siècles de décadence, continue à la dévorer. Le Portugal échappait à son joug par un irrésistible mouvement populaire pendant qu’à l’autre extrémité de la Péninsule, l’esprit provincial s’efforçait de détacher de la couronne des rois catholiques la princi-