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sonne royale, à la suite de laquelle des garnisons françaises sous les ordres du maréchal de La Force furent établies dans la plupart des places de son duché. D’un autre côté, avant d’opérer une diversion pour dégager le duc de Weimar menacé par Gallas, Richelieu avait pris soin d’exiger, en arguant du besoin d’assurer la sécurité des troupes françaises, une remise préalable des villes conquises par les Suédois sur la rive gauche du Rhin. Ainsi la France avait pris pied en Alsace, et se trouvait occuper, à l’ouverture de la guerre, la plupart des places importantes de la province, à l’exception de Strasbourg et de Benfeld.

La guerre s’engagea donc sur tous les points, en Allemagne, en Italie, dans les Pays-Bas, plus tard dans la Catalogne et le Roussillon ; guerre savante et variée dans ses combinaisons autant que dans ses vicissitudes, où la politique s’enlaçait à la stratégie, et l’art des négociations à celui des batailles. Que d’épreuves les incidens de cette lutte terrible ne firent-ils pas courir à Richelieu, depuis la prise de Corbie par les Espagnols jusqu’à celle de Perpignan par les Français ! Combien de fois n’a-t-il point senti l’édifice de sa gloire et de sa fortune se dérober sous ses pas ! que de fois n’eut-il pas besoin, dans sa lassitude et sa précoce vieillesse, de retremper sa confiance aux entretiens du sombre confident dont une robe de bure recouvrait l’ame de fer et l’esprit d’acier ! Suivez pourtant avec quelque attention les mouvemens de ces nombreuses armées qui, de 1636 à 1642, ébranlèrent le sol de l’Europe ; rendez-vous compte de ces campagnes compliquées où vinrent finir et commencer tant de grands hommes, et vous acquerrez la certitude qu’au milieu des crises les plus redoutables, dans les éventualités les plus incertaines, Richelieu ne retira pas une seule de ses pensées, n’abandonna pas un seul de ses hardis desseins.

Tous les mouvemens militaires amenés par une lutte dont les proportions s’élargissaient chaque jour laissent deviner chez le ministre qui les dirigea une constante préoccupation, celle de rendre la France maîtresse des négociations, à raison des fortes positions qu’elle occupait, et de la solidarité qu’il s’efforçait d’établir entre elle et tous ses alliés. La paix en commun par un traité général fut le thème de la diplomatie française, comme la paix séparée par des traités particuliers fut celui de la diplomatie autrichienne, depuis les négociations vainement ouvertes à Cologne, en 1636, jusqu’aux préliminaires de Hambourg, en 1641. Les Suédois, dont la résolution devait peser d’un si grand poids sur celle des autres confédérés pro-