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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

allemand trop exclusivement préoccupé de l’intérêt impérial[1]. La frontière des Vosges eût déshérité la France de sa part légitime d’action dans les affaires du nord de l’Europe : il fallait reculer ses limites et lui permettre au moins de toucher le Rhin pour qu’elle fût en mesure d’accomplir sa mission de conciliation et d’harmonie entre le génie germanique et le génie des peuples de souche romaine. En présence des agrandissemens prodigieux qui allaient changer la condition des peuples du Nord, en face de la Prusse et de la Russie, élevées au rang de puissances du premier ordre, et de la malheureuse Pologne, rayée de la liste des nations, il est superflu d’établir que les conquêtes de la France étaient loin de contrarier les intérêts à venir de l’Europe, et qu’elles étaient strictement nécessaires pour assurer les bases de cet équilibre général sanctionné par le traité de Westphalie.

Afin d’arriver à son but, le cardinal suivit un plan de conduite invariable. Ce plan consistait à combattre l’Espagne sans donner à la cour de Vienne un motif suffisant pour prendre parti, et à susciter des embarras de toute nature à cette dernière cour, tout en retardant le plus possible l’intervention armée de la France dans les affaires d’Allemagne. Le traité conclu en 1630 à Ratisbonne, par les soins du père Joseph Du Tremblay et de Léon Brulart, celui que M. de Servien négocia plus tard à Quérasque pour terminer les affaires de Mantoue, témoignent de la systématique modération qu’apportait le cardinal dans toutes les questions qui touchaient aux intérêts du saint-empire. Ces transactions prouvent le soin qu’il consacrait à maintenir le patronage de la France sur ses alliés sans se départir de la ligne du désintéressement et de la justice, plus habile en cela que Louis XIV, qui eut le tort grave de toujours inquiéter l’Europe lors même que son intérêt le plus impérieux lui prescrivait de la rassurer. La conduite de Richelieu durant les périodes danoise et suédoise de la guerre de trente ans fut marquée au coin d’une prudence consommée. La publication intégrale de ses Mémoires constaterait aujourd’hui si l’histoire ne l’avait établi depuis long-temps, que ce ministre ne fut étranger à aucune des phases de cette grande lutte, quoiqu’il y eût pris si tard une part ostensible. Au début de la querelle engagée dans l’empire, la politique de la France avait été incertaine et timide, comme le cabinet qui présidait alors aux destinées de la monarchie. Ferdinand II, dépossédé par les états de Bohême

  1. M. Frédéric de Schlegel, Philos. der Geschichte.