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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

cette manière « Si la nature a produit ce grain, qui a produit celui qui l’a précédé immédiatement ? Et si on rapporte encore celui-là à la nature, qui a produit le précédent ? » Et toujours ainsi, jusqu’à ce qu’enfin il arrivât à un premier grain qui nécessairement devait avoir été créé, puisqu’on ne pouvait plus trouver d’autre principe de sa production. Il prouvait par beaucoup d’argumens que la nature est incapable de créer, et il concluait que Dieu est le créateur de tous les êtres. Lucilio parlait ainsi pour montrer son savoir, ou par crainte, plutôt que par conviction. Cependant, les preuves contre lui étant manifestes, il fut condamné à mort par un arrêt solennel, après un procès qui avait duré six mois. »

Nous donnerons plus tard la suite du récit de Gramond, où l’exécution de Vanini est racontée. Le récit entier se termine ainsi :

« J’ai vu Vanini en prison, je le vis au supplice, je l’avais vu avant qu’il fût arrêté. Quand il était libre, il menait une vie déréglée, et cherchait avidement les voluptés. En prison catholique, au dernier moment abandonné par la philosophie, il mourut en furieux. Vivant, il cherchait les secrets de la nature, et faisait plutôt profession de médecine que de théologie, quoiqu’il aimât à passer pour théologien. Lorsqu’on saisit ses meubles en même temps que sa personne, on trouva un énorme crapaud renfermé dans un vase de cristal plein d’eau. Sur cela, accusé de sortilége, il répondit que cet animal, consumé vivant au feu, fournissait un remède à un mal qui autrement serait mortel. Pendant sa prison, il s’approchait fréquemment des sacremens, dissimulant astucieusement ses principes. Dès qu’il vit qu’il n’y avait plus d’espoir, il leva le masque, et mourut comme il avait vécu. »

Ce récit en lui-même, et dégagé des réflexions de l’auteur, semble bien de la plus parfaite exactitude. Il n’y a rien qui soit contraire, ou plutôt qui ne soit conforme à ce que nous-même nous avons déjà vu dans les ouvrages de Vanini. Gramond, qui l’avait connu dans le monde avant qu’il fût arrêté, lui reproche le goût effréné des plaisirs et des mœurs déréglées : qu’on se rappelle tant de passages des Dialogues, et ceux que nous avons cités et ceux auxquels à peine nous avons osé faire allusion. Gramond affirme que d’abord il contrefit le dévot, puis, qu’après avoir perdu tout espoir de sauver sa vie, il passa de l’hypocrisie à l’impiété. Cette double conduite est-elle invraisemblable dans un homme dont les ouvrages contiennent manifestement, l’un, le dévouement à l’église porté presque jusqu’au martyre, l’autre, les railleries les plus impies ? Le plaidoyer de Vanini, rapporté par Gramond, prouve l’impartialité de l’historien. Ce plaidoyer contient une théodicée bien différente de celle des Dialogues et même de l’Amphithéâtre, et dont le principe n’est point