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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

plus mauvais bruits. Le Patiniana est un amas d’anecdotes très peu sûres[1]. Le journal de voyage de Borrichius[2] ne contient que ce qui lui fut raconté à son passage à Toulouse, vers 1660. Je ne prétends pas qu’il n’y ait rien de vrai dans ce que disent ces auteurs ; mais comment y faire le discernement du vrai et du faux ? Le Mercure de France, gazette plus ou moins officielle, dans l’Histoire de l’année 1619, consacre une ou deux pages au procès et à la mort de Vanini. Cette brève narration représente ce qu’on en disait alors, et ce que le gouvernement jugeait à propos d’en faire savoir. Ce sont les faits les plus certains, mais sans aucun détail. Si ce récit ne peut égarer, il n’instruit guère, et après tout l’auteur ne sait rien par lui-même, et il écrit sur la foi d’autrui.

Heureusement pour l’histoire, il y avait alors au parlement de Toulouse un jeune conseiller qui avait connu Vanini dans le monde, qui assista à tout le procès, même à l’exécution, et qui, devenu plus tard premier président du parlement, écrivant une histoire de France contemporaine, y mit le procès de Vanini : je veux parler de Gramond. Cet historien réunit en sa personne toutes les conditions que la critique la plus sévère peut imposer à un parfait témoignage : il a tout vu, il ne raconte que ce qu’il a vu, et, quel que soit son zèle religieux, ni les lumières ni l’intégrité ne lui ont manqué pour bien voir et pour rapporter ce qu’il a vu avec exactitude. Enfin toutes les pièces de la procédure étaient à sa disposition. Nous admettons donc sans réserve les faits qu’il raconte, et par conséquent, sous le bénéfice de ce contrôle assuré, nous admettons également les autres récits, tant qu’ils s’accordent avec celui-là. Mais nous sommes forcé de ne tenir aucun compte de tout ce qui excède le témoignage de Gramond, faute de tout moyen de vérification. Traduisons littéralement le récit du président historien[3].

« À peu près dans ce temps, fut condamné par arrêt du parlement de Toulouse Lucilio Vanini, que la plupart ont regardé comme un hérésiarque, et que moi je regarde comme athée ; car ce n’est pas être hérésiarque que de nier Dieu. Il faisait métier d’enseigner la médecine ; en réalité il séduisait l’imprudente jeunesse ; il se moquait des choses sacrées, il exécrait l’incarnation du

  1. Patiniana et Naudœana ; Amsterdam, 1703, p. 51.
  2. Encore inédit, et cité par Arpe, Apol., p. 39.
  3. Historiarum Galliœ ab excessu Henrici IV, libri XVIII, autore Gab. Bartholomeo Gramondo, in sacro regis Consistorio senatore, et in Tolosano parlamento præside ; Tolosæ, 1643, in-fol. — Liber III, p. 208.