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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

philosophe, je dirai… » Quelquefois, il met son opinion dans la bouche d’un athée qu’il ne réfute pas ou qu’il réfute très mal. Ainsi, il développe avec complaisance d’assez mauvaises plaisanteries sur saint Paul et sur le mariage mystique du Christ avec l’église ; il laisse dire, sans y faire la moindre objection, que « les enfans qui naissent avec l’esprit faible sont par là d’autant plus propres à devenir de bons chrétiens. » On comprend que, dans un ouvrage de controverse, même dans l’Amphithéâtre, il soit nécessaire et loyal de rappeler une foule de raisonnemens impies pour les réfuter ; ici tous ces raisonnemens n’avaient que faire. Ils sont introduits gratuitement, et comme la plupart du temps Vanini ne leur fait d’autres réponses que de vagues protestations de soumission à l’autorité religieuse, ils produisent le plus mauvais effet, troublent ou égarent le lecteur. Pourquoi, par exemple, dans un livre de physique, agiter la question de la divinité de Jésus-Christ ? Voici un athée qui se confond en éloges suspects sur l’habileté du Christ, comme s’il s’agissait d’un politique ou d’un philosophe. Alexandre lui oppose cet argument : La mort de Jésus-Christ est celle d’un insensé ou celle d’un dieu. Or, d’après toi-même, ce n’était pas un insensé, donc il était Dieu. L’athée répond que ce n’était pas être insensé que d’acquérir l’immortalité de son nom par le sacrifice de quelques jours de cette vie. Jules-César intervient pour dire qu’il a réfuté ces sottises dans un écrit : Du mépris de la Gloire[1] ; mais le lecteur n’a pas ce livre, et les argumens de l’athée subsistent. On pourrait citer une foule d’exemples semblables[2]. Le dernier résultat est incontestablement une impression très défavorable au christianisme.

Nous avons déjà vu quelle est au fond la théodicée de Vanini ; elle se réduit à concevoir à ce monde fini et limité un principe éternel et infini, principe qui n’est pas une cause, ni par conséquent une volonté, ni par conséquent encore une providence véritable avec les caractères qui lui appartiennent. Nous retrouvons ici cette même théodicée avec ses conséquences avouées. Les deux interlocuteurs, Alexandre et Jules-César, s’accordent à rejeter l’opinion d’Aristote, que Dieu a donné la première impulsion au monde, et, pour parler le langage péripatéticien, qu’il est le moteur du premier ciel[3]. Alexandre : « J’ai lu cela, si je m’en souviens bien, dans le XIIe livre

  1. Dial., p. 357-360 : De Contemnenda gloria. — Ailleurs (p. 369) il cite un autre ouvrage qu’il aurait composé : De vera sapientia
  2. Voyez particulièrement les pages 91 seqq., p. 326-37, etc. p. 349 ; p. 487-488.
  3. Dial., p. 17 seqq.