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passé ni avenir, mais un présent éternel. Nous-mêmes nous connaissons quelquefois l’avenir sans le déterminer : il en est ainsi de Dieu. La différence qui sépare notre prévoyance et la Providence divine, c’est que notre prévoyance est circonscrite dans d’étroites limites d’espace et de temps. Dieu voit très certainement et très clairement l’avenir le plus lointain, non comme avenir, mais comme présent. Son éternité n’admet point la différence des temps ; elle est tout entière en elle-même avec toutes les parties dans lesquelles nous la divisons. Vanini s’engage à perte de vue dans les développemens les plus subtils et les plus raffinés de cette réponse plus ou moins concluante, sans avoir l’air de se douter qu’il les emprunte à la scolastique, et qu’il est à son insu le disciple de ce docteur angélique pour lequel il affecte un si grand mépris.

Si Dieu, dit Épicure, s’occupe de nous, il n’est pas parfaitement heureux. Or il l’est : il ne s’occupe donc pas des affaires des hommes. Vanini répond à Épicure d’une manière triomphante. « L’opinion épicurienne est la plus absurde de toutes les absurdités. Dire en effet que Dieu existe, mais qu’il ne s’occupe pas des hommes, n’est-ce pas dire que le feu existe, mais qu’il n’échauffe pas ? car qu’est-ce que Dieu, sinon un être supérieur qui veille sur tout, meut et gouverne tout ? » Contentons-nous de faire remarquer à notre philosophe que ces derniers attributs, qu’il ajoute fort raisonnablement à l’infinité de Dieu, n’en découlent pas.

Vanini prouve ensuite à merveille que mettre l’absolu bonheur de la Divinité dans l’absolu repos, c’est la dépouiller de son attribut essentiel, la puissance infinie ; c’est la ravaler au-dessous de l’humanité, c’est faire Dieu inférieur à un Alexandre qui, dans son infatigable activité, se plaignait du sommeil. Cardan a écrit que tout esprit jouit de l’éternel repos : « Non, dit Vanini, mais de l’éternel mouvement[1]. La matière se lasse, et par conséquent le repos lui convient ; elle ne se meut que pour se reposer. Mais l’esprit est dans une action continue : sa fin n’est pas le repos, mais une force éternelle. Qu’est-ce que la connaissance de Dieu, qu’est-ce que l’amour qui en découle, sinon un désir insatiable de participer à son infinité ? Cette noble activité de l’ame est si éloignée du repos, qu’elle aspire à ne cesser jamais. »

Sur l’immortalité de l’ame, Vanini est bien moins assuré :

« Le fondement, dit-il, sur lequel roule la doctrine d’Épicure est la mor-

  1. Amphit., p. 155.