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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

de l’argument de l’autre vie : « La sainte Écriture, dit-il, nous montre les châtimens et les récompenses toujours assurés à qui les mérite dans un autre monde ; » mais il se hâte d’ajouter que cet argument n’est pas à l’usage des athées, puisqu’ils méprisent les saintes écritures. Quand il en vient à répondre pour son propre compte à Diagoras, sans prétendre avec les stoïciens que l’homme vertueux est souverainement heureux, et le vicieux toujours malheureux, il fait voir que les plus grands biens, même en cette vie, sont accordés à la vertu, ce qui est très vrai, et que les tribulations, qui ne lui sont pas épargnées, lui servent d’épreuve utile et même désirable. Dieu, au contraire, punit le méchant par l’excès même de ses plaisirs, qui lui rendent insupportable la moindre contrariété, et engendrent la misère au sein du bonheur apparent. Toutefois il faut convenir que l’ensemble de ce chapitre est loin de produire sur l’ame un effet salutaire.

Les chapitres qui suivent, contre Protagoras, me semblent meilleurs. « S’il est un Dieu, dit Protagoras, d’où vient donc le mal ? — Je réponds : de notre libre volonté[1]. » Il est vrai que dans le développement cette excellente réponse est plutôt affaiblie que fortifiée.

Dans le problème de la conciliation difficile de la divine Providence et de la liberté humaine, Cicéron se décide contre la Providence en faveur de la liberté. Voici quel est l’argument de Cicéron « La Providence de Dieu et la liberté de l’homme sont incompatibles ; or, certainement la liberté humaine existe, car nous en avons la conscience ; donc il n’y a point de Providence. Et il prouvait sa majeure par trois argumens principaux qui reviennent à ceci : La Providence de Dieu doit être infaillible ; elle ne peut se tromper dans ses prévisions, donc tout ce qu’elle prévoit doit arriver nécessairement : donc la liberté humaine est impossible. Vanini accorde que la Providence ne se trompe pas, qu’elle aperçoit l’avenir, et que l’avenir se fait comme elle l’aperçoit ; mais il explique ce que c’est que la prévoyance de l’avenir[2]. « Les actions futures de l’homme, dit-il, étant libres de leur nature, s’accomplissent librement. Dieu les voit donc d’avance telles qu’elles seront, c’est-à-dire dans leur liberté et dans leur contingence. Elles n’ont pas lieu parce que Dieu les prévoit, mais Dieu les prévoit telles qu’elles seront, et telles qu’elles sont d’avance pour lui ; car pour lui il n’y a réellement ni

  1. Amphit., ex. XIV, p. 95.
  2. Ibid., ex. XXIII p. 137.