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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

C’est surtout en Italie que la réforme philosophique jeta un immense éclat, et se fit jour à travers la persécution et les supplices. L’Italie joue un rôle assez médiocre dans la scolastique, car saint Thomas et saint Bonaventure, nés en Italie, se sont formés et ont enseigné en France ; leur école et leur gloire nous appartiennent. L’Italie paraît encore moins dans la philosophie moderne : elle a produit assurément plusieurs hommes de mérite, mais pas un génie du premier ordre ; elle est, à proprement parler, le théâtre de la philosophie de la renaissance. L’Italie était à cette époque le pays le plus avancé dans toutes les choses de l’esprit. Par plus d’un motif, le besoin d’une philosophie nouvelle devait y naître, et c’est de là qu’il se répandit d’un bout de l’Europe à l’autre. Les mathématiques, la physique, les sciences naturelles, y prirent de bonne heure un grand essor. C’est dans les académies italiennes que Bacon vint apprendre les règles de la physique expérimentale qu’il exprima plus tard dans un langage magnifique[1]. Tout ce qui pense alors est pour une réforme, et pour une réforme profonde et radicale. On en définit assez mal l’objet. On la poursuit par les routes les plus opposées. Celui-ci la cherche dans l’expérience sensible exclusivement consultée, celui-là dans un mysticisme spéculatif et chimérique. À côté des vieilles universités s’élèvent de libres sociétés, dévouées à l’esprit nouveau : il pénètre jusque dans les couvens, ces antiques asiles de la scolastique, et ses plus ardens apôtres lui viennent du sein des ordres religieux. Il n’y a pas une partie de l’Italie qui ne fournisse son contingent à cette noble milice ; mais c’est à Naples que se rencontrent les réformateurs les plus illustres, les plus hardis, les plus malheureux.

Qui ne connaît les aventures et la triste destinée de Bruno et de Campanella ? C’étaient deux hommes d’un esprit vigoureux, d’une ame intrépide, d’une vive et forte imagination. Bien supérieurs à La Ramée, il ne leur a manqué qu’un autre siècle, des études plus régulières et la vraie méthode. Ce qui domine en eux, c’est l’imagination ; leur raison n’était pas encore assez mûre pour la contenir, et ils se laissent emporter à des systèmes qu’ils n’avaient pas suffisamment étudiés, et qu’ils ne comprirent jamais bien.

    judicieux et sévère, dont les écrits sont très bons à consulter pour la vraie intelligence d’Aristote.

  1. On raconte même que, s’étant présenté comme candidat à la célèbre académie des Lincei, il ne fut pas admis, Prospetto delle Memorie aneddote dei Lincei dà F. Cancellieri ; Roma, 1823, et Journal des Savans, février 1843, p. 100.