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REVUE. — CHRONIQUE.

de leur général se décidèrent à faire face à l’orage. Leur résolution fut efficace. Seulement, maître absolu de la campagne, il ne fut pas difficile pour Oribe d’intercepter toute espèce de communication entre la ville et l’extérieur.

Le commerce dut évidemment se ressentir de cet état de choses. La ligne de circonvallation devenait chaque jour plus difficile à franchir. Le commerce par mer, le cabotage, n’était guère plus aisé. Brown, avec l’escadrille argentine composée de sept voiles, exerçait une surveillance sévère sur toutes les parties de la côte : il rencontrait d’autant moins d’obstacles que ses adversaires n’avaient pas un seul bâtiment de guerre à lui opposer.

Cette situation, dont il était difficile de prévoir le terme, alarma justement les négocians étrangers. Leurs magasins étaient encombrés de marchandises, et ils avaient un grand capital en circulation, sans espoir de pouvoir de long-temps en effectuer le recouvrement. De là leurs plaintes et leurs reproches. Mais que pouvaient l’amiral et le consul français ? que pouvait notre gouvernement ? Était-il en droit de faire cesser les hostilités entre deux états indépendans et qui ont par cela même le droit de paix et de guerre ? Eût-on voulu s’écarter du système de non-intervention, était-ce chose facile, prudente, sensée, de jeter son veto au milieu d’une lutte acharnée qui nous est étrangère, et cela à deux mille cinq cents lieues de nos frontières ? Eût-elle voulu se faire le don Quichotte de la paix universelle, la France aurait-elle sagement agi en se chargeant seule d’un rôle qui aurait pu paraître suspect ? Il suffisait, disait-on, de la médiation de la France et de l’Angleterre pour faire déposer sur-le-champ les armes aux deux partis. Nous ne croyons pas que cette médiation aurait eu tout le succès qu’on en attendait. Il est constant que les ouvertures qui furent conjointement faites avant le combat de l’Arroyo-Grande, par MM. le comte de Ludre et de Mandeville, sans l’autorisation, il est vrai, de leurs gouvernemens respectifs, furent péremptoirement repoussées par le chef de la République Argentine. D’ailleurs, cette médiation, eût-elle été officiellement offerte, eût-elle été acceptée, aurait pu suspendre temporairement les hostilités, mais nullement amener une paix solide et durable.

Ainsi, l’amiral et le consul étaient impuissans pour rendre au commerce son activité et ses profits. Ils ne pouvaient que faire des vœux et offrir en même temps une protection efficace à nos compatriotes. C’est dans ce but que, deux jours après l’arrivée des deux frégates la Gloire et l’Atalante, un ordre du jour fit connaître à chaque commandant les dispositions qu’il avait à prendre dans le cas où l’armée argentine ferait une attaque sérieuse pour se rendre maîtresse de la ville. La douane, d’après les dispositions prises concurremment par le commodore Purvis et le commandant de l’Aréthuse, était confiée à la garde des soldats anglais et des matelots français.

Les Français établis à Montévideo se sont amèrement plaints de ce que l’amiral, à l’exemple du commodore anglais Purvis, n’avait pas exigé du lieu-