Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/663

Cette page a été validée par deux contributeurs.
657
REVUE. — CHRONIQUE.

royaume grec, bien petit état sans doute en comparaison de son terrible compétiteur ; mais, selon toutes probabilités, le petit état aura pour lui l’Europe, et l’équilibre sera ainsi rétabli. La Russie, dit-on, voit de très mauvais œil la révolution grecque et l’établissement d’une constitution. On peut le croire sans peine ; il serait ridicule à la Russie de s’en montrer satisfaite. Pourtant, si l’Angleterre et la France sont d’accord, c’est à peu près comme si la Russie était seule de son avis. Si l’Autriche et la Prusse ont pu ne pas approuver le mouvement grec, elles n’ont aucun intérêt à se séparer, dans ce cas, de l’Angleterre et de la France. La Grèce constitutionnelle et paisible leur vaut mieux que la Grèce agitée et pouvant d’un instant à l’autre devenir la cause d’un embarras pour l’Europe.

C’est aux Grecs qu’il appartient de se tenir sur leurs gardes et de ne pas donner prise à leurs ennemis. En se jetant dans l’anarchie, ils compromettraient un noble et brillant avenir. La chrétienté a les yeux sur eux, prête à les maudire s’ils se montrent indignes du grand rôle que la Providence paraît leur avoir réservé.

On dit qu’une vaine tentative de contre-révolution a eu lieu à Athènes dans la nuit du 9 au 10 octobre, et on ajoute que l’auteur de cette tentative se trouve aujourd’hui à Munich, qu’il est traité avec une grande distinction, qu’il habite le château, et sort dans les équipages de la cour. Rien de plus naturel et de plus légitime que d’accueillir un réfugié politique ; mais il est moins naturel, si le fait est vrai, d’en faire l’hôte et le protégé du père du roi Othon.

Le jury a prononcé à Dublin la mise en accusation d’O’Connell. En lisant les détails de cette procédure, en voyant à quelles minuties on s’attache de part et d’autre, en se représentant le bouillant agitateur tranquillement assis à côté de son avoué qui soulève je ne sais quel minime incident de forme, on est tenté de se demander si on n’a pas été dupe d’une illusion, si cette bruyante affaire du repeal a été autre chose qu’une comédie. Voilà le maître de l’Irlande, l’idole de ce peuple si vif et si dévoué, traduit à la barre d’un tribunal, accusé, et il n’y a pas même l’indice d’une émotion publique, et les choses se passent plus paisiblement qu’elles ne se passeraient chez nous, si cinq ou six communes étaient intéressées dans une question de vaine pâture. Est-ce sagesse ? est-ce indifférence ? ou bien le peuple aurait-il reconnu qu’on l’avait mené trop loin, par cela même que la justice du pays vient demander compte des faits du repeal à ceux qui en ont été les principaux auteurs ? Ce qu’il y a de remarquable, c’est que les accusés ne paraissent pas désirer une prompte solution de la question judiciaire. Évidemment ils ont cherché des moyens dilatoires. Dans quelle vue ? dans quel but ? Toute conjecture serait hasardée. Cela peut tenir à des circonstances toutes particulières, et dont il est impossible à un étranger de se rendre compte. Toujours est-il que ces incidens, ces retards et ces petites combinaisons judiciaires prouvent qu’un verdict d’acquittement ne peut pas être enlevé de haute lutte,