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publié, prouve suffisamment que c’était contre les Bavarois et le système administratif que la nation se révoltait, et non contre le roi lui-même. Le courroux qui poursuivait les ministres est tombé devant le souverain. C’est à tort qu’un épisode de l’émeute a pu faire penser le contraire à quelques personnes. On a dit que Kalergi avait tiré son sabre devant le roi, en proférant une menace injurieuse ; s’il était vrai, ce fait serait assez grave, ce nous semble, pour que les rapports officiels en eussent parlé : or les dépêches n’en font aucune mention, et toutes les lettres particulières le démentent. Voici, en revanche, un autre fait dont nous garantissons l’authenticité, qui paraîtrait prouver que l’attitude des officiers était dans cet instant toute différente de celle qu’on leur a prêtée. Le peuple et l’armée entouraient le palais ; on criait de tous côtés : à bas les Bavarois ! vive la constitution ! L’effervescence était au comble, quand passa un Bavarois, officier supérieur, et particulièrement détesté à Athènes. Quelques soldats voulurent se jeter sur lui, mais un simple sous-lieutenant, les arrêtant du geste, leur dit : « Mes amis, souvenez-vous que vous êtes les vainqueurs ! » et tous les soldats rentrèrent dans les rangs. Voilà ce qu’on peut opposer à l’histoire de Kalergi, dont peut-être, en bien cherchant, on trouverait la source dans les feuilles allemandes. Au reste, lors même que ce fait serait exact, — et nous persistons à le nier jusqu’à pleine confirmation, — il ne faudrait voir dans cette manifestation hostile à la personne du roi que l’effet coupable d’un ressentiment individuel, qui aurait été sévèrement blâmé par la nation. Les Grecs ont tout intérêt à ce que le roi Othon reste sur le trône. S’il abdiquait, de deux choses l’une, ou ce malheureux pays tomberait encore une fois dans l’anarchie, ou il écherrait à un nouveau souverain. L’anarchie, les Grecs la connaissent, et ils savent qu’un roi nouveau, fût-ce même le duc de Leuchtemberg, ferait tout rétrograder de dix ans, et remettrait les choses où elles étaient à l’arrivée du roi Othon.

Faut-il ajouter, pour conclure, que la Russie, en démasquant trop tôt ses projets, vient de compromettre singulièrement son influence en Grèce ? La part qu’elle a prise aux derniers évènemens est trop patente pour qu’elle puisse la nier ; la destitution de M. de Katakasy, qui est le désaveu formel de cette participation, n’a désabusé personne. On pouvait même prévoir la façon d’agir du cabinet de Pétersbourg : les évènemens de Serbie sont-ils si loin ? Dans des circonstances presque analogues sa conduite a été absolument la même. Sa politique en Orient ne change pas : avancer incessamment, mais