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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

ciers. Avant la révolution du 15 septembre, on ne se doutait guère en France de l’aversion qu’ils inspiraient. Il y a quatre mois, en parlant de la situation des Cyclades, nous disions[1] que le gouvernement bavarois était considéré à Athènes comme une colonie étrangère à charge au pays, et l’on nous blâma d’avoir émis une opinion aussi formelle. Si nous ne nous attendions pas à voir les évènemens justifier si tôt nos paroles, nous savions qu’il suffisait d’avoir passé une journée à Athènes pour connaître l’horreur qu’inspire aux Grecs tout ce qui est Bavarois. On pensait généralement que la constitution promise dès l’arrivée du roi, et toujours ajournée depuis cette époque, pourrait seule assurer la prospérité du pays. En reculant toujours, malgré les demandes réitérées de la nation, l’exécution de sa promesse, le jeune monarque avait excité un profond mécontentement. Les agens d’une puissance qui ne cesse de se creuser sourdement une route souterraine dans tout l’Orient aiguillonnaient les plus irrités. Des brochures imprimées à Constantinople, et contenant contre le roi et la reine d’indignes calomnies, furent répandues en Grèce. Ces libelles, qui, chose remarquable, furent dès leur apparition attribués à la Russie, trouvèrent plus d’échos dans les provinces que dans la capitale. Le parti russe (nous avons dit le sens qu’il fallait donner au mot parti), le parti russe doit à des sympathies religieuses de réunir sous son influence à peu près la moitié des Hellènes ; mais il est, sans contredit, le plus faible à Athènes. Toute petite qu’elle est encore, la capitale de la Grèce tend, comme toutes les capitales, à centraliser le pays. Les jeunes Athéniens ont été élevés, pour la plupart, en Allemagne, en Angleterre ou en France. Les idées d’Europe ont singulièrement modifié l’intolérance native de leurs sentimens religieux, et ils ont rapporté de leurs voyages des principes de libéralisme qui ne rendent pas à leurs yeux l’autocratie du czar le meilleur des gouvernemens possibles ; mais le peuple ignorant a conservé les haines religieuses dans toute leur violence. La Russie a pu se servir avec succès de ce puissant levier, non pas pour produire le soulèvement du 15 septembre, mais bien pour accélérer de quelques mois, de quelques années peut-être, une révolution inévitable, dont le principe était ailleurs, et dont le résultat, elle l’espérait du moins, pouvait être le renversement du roi.

Le récit des derniers évènemens, tel même que les journaux l’ont

  1. Voyez l’article sur l’Île de Tine dans la livraison du 1er  juin.