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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

quand le monarque parut avec la jeune reine, il fut accueilli avec amour ; le peuple voulut dételer les chevaux de sa voiture pour la traîner : ce fut un véritable triomphe. Le souverain prenait donc enfin le parti des Hellènes ! La jeune reine allait donner à la Grèce un prince grec, un prince élevé dans la religion du pays ! Tous les dissentimens se trouvaient conciliés ; l’avenir souriait enfin, et pour la seconde fois la Grèce poussa un long cri d’espérance.

Le roi parut vouloir justifier dès les premiers jours la confiance qu’on mettait en lui. Jusqu’alors il s’était peu inquiété de l’administration ; venu très jeune en Grèce, il avait, pendant la première année, laissé complètement à M. Maürer le soin des affaires. En prenant le pouvoir, le président du conseil avait trop bien compris son intérêt pour ne pas chercher à endormir chez le roi toute idée d’indépendance personnelle. Le gouvernement s’étant isolé de la nation, le roi avait été séparé d’elle par le gouvernement. Il ne connaissait les intérêts de ses sujets que par l’intermédiaire de ses ministres ; leurs plaintes même n’arrivaient à lui que modifiées et affaiblies. Cette sorte de séquestration fut sans doute fatale aux Grecs, mais elle servit le souverain : il dut à son inaction même d’être excepté de la haine universelle qu’avaient soulevée ses compatriotes. En tout autre pays, on aurait confondu le monarque et ses agens ; les Grecs sont fins, clairvoyans : ils comprirent que, si les ministres agissaient au nom du roi et en apparence de concert avec lui, c’était sans sa participation réelle ; ils ne le firent pas responsable des actes du ministère. Le prince avait d’ailleurs donné en plusieurs occasions des preuves de sa bonté, de sa loyauté ; il était généralement aimé.

Aussitôt après le départ de M. d’Armansperg, le roi déploya un caractère tout-à-fait nouveau. Il n’avait jusqu’alors été souverain que de nom, il voulut l’être de fait. Pendant son voyage, l’enfant s’était fait homme ; par malheur, en courant avec trop d’ardeur vers un but louable, il le dépassa. Depuis trois ans le gouvernement avait mal agi, le roi prétendit agir tout différemment ; les ministres avaient abusé de sa confiance, il se défia de tous les ministres ; il n’avait rien fait lui-même, il voulut tout faire. Alors commença pour lui une vie toute de travail et d’activité. L’inaptitude de certains fonctionnaires excitait des murmures ; il prétendit à l’avenir faire seul toutes les nominations. Avant de déterminer un choix, il voulut prendre lui-même les renseignemens les plus minutieux ; écoutant tout le monde et ne s’en rapportant à personne, il arrivait que les paroles de l’un détruisaient celles de l’autre, et le roi ne savait que décider. Un