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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

particulier, reçoit plus aisément l’empreinte des circonstances, le monarque se façonnerait sans peine aux mœurs de ses sujets et que, bien qu’Allemand d’origine, il deviendrait Grec par le temps, avec les années. Cette idée était juste dans le principe ; par malheur, les mesures que la jeunesse même du roi exigeait de prendre détruisirent les bons effets qu’on attendait et eurent de fâcheux résultats que l’on pouvait prévoir. Il fallut nommer un conseil de régence ; les membres de ce conseil furent choisis parmi les personnages importans de la cour de Munich. Les Grecs commencèrent à croire que c’était un gouvernement tout fait qu’on leur imposait, et non pas un jeune prince qu’on leur donnait pour qu’ils le missent à la tête de l’ordre politique qu’ils voulaient établir. Forcés de subir cette organisation, ils pensèrent que, si une administration étrangère était appelée au maniement de leurs affaires, eux du moins n’en seraient point exclus, et qu’ils garderaient au conseil voix délibérative. Pendant la guerre et depuis leur indépendance, les Grecs s’étaient gouvernés par des assemblées ; ils avaient plusieurs constitutions, entre autres celle d’Épidaure et celle de Trézène. Ils voulurent en rédiger une définitive d’après les intérêts du pays, afin de la soumettre au roi et à ses ministres. Ce parti, fort sage assurément, déplut à Munich. On invita les Grecs à ne s’inquiéter de rien avant l’arrivée du roi ; on leur promit que le conseil de régence ferait droit à leur demande, et se conformerait en tout au vœu de la nation.

Le 6 février 1833, le roi arriva. Au lieu de venir aux Grecs en toute confiance, il parut accompagné de ses conseillers, escorté d’une armée de quatre mille Bavarois. Loin de se conformer aux usages du pays et de mesurer les dépenses de l’installation à l’état des finances, dont les seules ressources consistaient dans l’emprunt, on établit à grands frais en Grèce une fraction de la cour de Munich. Toutefois, les Hellènes étaient si heureux de sortir enfin de l’anarchie, que l’on ne reprocha guère au nouveau gouvernement ses premières prodigalités. Le jeune roi apportait avec lui tant d’espérances, que, malgré son escorte étrangère, il fut accueilli avec enthousiasme. Ce furent chaque jour des fêtes et des réjouissances nouvelles. En voyant à sa tête un jeune chef, la nation se sentit plus grande, plus complète ; elle salua d’une acclamation de joie unanime le bonheur qui lui semblait promis.

Le conseil de régence se composait de MM. d’Armansperg, Maürer, et Aïdec. Bien que M. d’Armansperg fût président du conseil, M. Maürer ne tarda pas à prendre sur ses collègues l’ascendant que lui