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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

été amenés à donner aux évènemens du 15 septembre des interprétations confuses et contradictoires. Il est un fait qu’il faut d’abord préciser : c’est que, si la triple influence de la Russie, de l’Angleterre et de la France donne aux opinions politiques des Grecs trois nuances bien distinctes, il n’en est pas moins vrai qu’il n’y a en Grèce qu’un seul parti proprement dit, c’est le parti grec. Les Hellènes veulent avant tout leur indépendance ; ils n’ont qu’une seule idée, qu’un seul désir : c’est, comme l’a dit un illustre écrivain, « de se refaire nation. » Si, après tant de combats et de sang répandu, ils sont parvenus à secouer la domination des Turcs, ce n’est pas pour courber la tête sous un autre joug. Seulement, ils se sentent trop faibles encore pour marcher seuls, et comptent tous sur l’assistance de l’une ou de l’autre des trois puissances protectrices ; mais ils ne considèrent ces puissances, on ne saurait trop le répéter, que comme des nations amies. Du jour où l’une d’elles quitterait son caractère d’alliée pour dévoiler des projets de domination, elle serait accusée de félonie, et la Grèce trahie se révolterait contre cette nouvelle oppression. Telle est l’opinion générale des Hellènes. Si on peut citer quelques exceptions et rappeler les noms de certains hommes enrôlés au service de la Russie ou de l’Angleterre contre leur propre patrie, ces hommes, en très petit nombre, loin de constituer un parti, sont méprisés à Athènes, montrés au doigt et ridiculisés chaque jour par des chansons ou des caricatures. Voilà ce qu’ignoraient sans doute ceux qui, ne voyant dans la révolution du 15 septembre que le résultat d’une impulsion donnée par un cabinet étranger, ont représenté les Grecs comme prêts à se jeter aux bras de l’une des trois puissances, comme tout disposés à changer les couleurs du drapeau national, quand ils ne voulaient au contraire qu’agrandir leurs libertés. En général, on a oublié le motif principal de cette révolution pour n’en voir que la cause secondaire. Aussi les Grecs se plaignent-ils amèrement de certains journaux de Paris ; ils les accusent de n’avoir pas puisé leurs renseignemens dans le pays et de s’être contentés de traduire les gazettes allemandes, qui n’étaient elles-mêmes que l’écho de la presse de Munich et des opinions bavaroises[1]. La

  1. Voici un fait qui donne la mesure de ces opinions. Trois jeunes étudians grecs, dont nous pourrions citer les noms, ont dû récemment quitter Munich, qu’ils habitaient depuis plusieurs années, pour se rendre à Paris. Insultés journellement, ils s’attendaient, s’ils eussent prolongé leur séjour en Bavière, à voir les mauvais traitemens succéder aux paroles injurieuses.