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ATHÈNES ET LA RÉVOLUTION GRECQUE.

çà et là, les coups de marteau retentissent, le gardien bavarois pérore ; tout vous distrait, vous trouble, vous désespère. D’énormes poutres étaient dressées, l’an dernier, contre les colonnes du temple de Minerve. Que voulait cet échafaudage à ce monument ? C’était une restauration sans doute, et assurément elle était entreprise dans une louable intention ; mais quand, du haut de l’Acropole, on aperçoit l’espèce de caserne plaquée de marbre qu’on appelle le Palais-Neuf, on ne peut s’empêcher de frémir en songeant que la restauration du Parthénon est confiée aux mains qui ont construit cette prétentieuse masure.

En élevant, sous la direction de Phidias, les plus beaux temples du monde au jugement de tous les siècles, Périclès n’avait pas seulement fait d’Athènes la capitale des arts, il avait aussi donné une grande extension à son commerce. Alors comme aujourd’hui le sol de l’Attique était loin de fournir tous les élémens de subsistance nécessaires à la population. Les habitans manquaient de laines, de chevaux, de fer, de bois de construction. Une énorme quantité de blé était importée de la Sicile, de l’Égypte, de la Chersonèse taurique, de la Macédoine, et c’est à peine si les revenus de l’état suffisaient à payer ces importations. Les Athéniens appelèrent l’art à leur secours. Le cuivre de Délos, l’or de la Lydie, l’ivoire de la Libye devinrent entre leurs mains des sources inépuisables de richesses. Les manufactures de la ville de Périclès furent réputées sans égales ; de tous côtés, les commerçans vinrent au Pirée échanger les produits des terres lointaines contre les statues, les vases ou les armes d’Athènes. On reprocha à Périclès ses dépenses, et en effet les temples élevés par Phidias n’avaient pas coûté moins de quatre mille talens[1], ou vingt-deux millions, c’est-à-dire trois fois le revenu de l’état ; mais, en quelques années, la prospérité de la ville fut assurée, et la richesse des Grecs d’Athènes dépassa celle des Carthaginois, des Phéniciens, des Grecs de l’Asie, de Samos, de Rhodes et de Syracuse.

Le gouvernement actuel n’a pas eu la prévoyance de Périclès. Lors de son installation, Athènes n’existait plus ; il méconnut à la fois le vœu des Grecs et son propre intérêt, en fondant la capitale nouvelle sur l’emplacement de la ville ancienne. « La Grèce est une résurrection, écrivait-on alors ; quand on ressuscite, il faut renaître avec sa forme, avec son nom, avec son individualité complète. »

  1. Ce chiffre est celui que donne Pausanias.