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LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

troits, et en cela ils font moins une spéculation lucrative qu’une œuvre de piété. On sait que les empereurs mogols et Aurang-Zeb surtout envoyèrent, dans d’autres temps, les pèlerins sur des navires armés, que les Mahrattes, sectateurs ardens de la religion brahmanique, attaquèrent et coulèrent quelquefois.

Maintenant, si laissant les marins arabes voguer vers leurs ports, nous restons sur les côtes de l’Inde, il nous apparaîtra clairement que les Hindous leur sont fort inférieurs dans l’art de la navigation ; la langue sanscrite est plus que pauvre en termes de marine, et cela se conçoit chez un peuple descendu des plateaux de l’Asie centrale. Le vocabulaire des lascars (matelots hindous) se compose de mots empruntés aux dialectes étrangers, à l’arabe, au persan, au portugais et à l’anglais. La théorie première, ils l’ont apprise, sur la côte occidentale surtout, des navigateurs orientaux des deux golfes ; la pratique, des Européens, du moins en ce que cette pratique a de compliqué. Les habitans du Scinde, du Gouzerate, de Cambaye même, ont été de bonne heure marins et pirates. Les navires anciens, nommés baggerows, leur étant communs avec les Arabes, qui les montent aussi bien qu’eux, il est difficile de savoir lequel de ces peuples doit réclamer la priorité de l’invention. En descendant vers le sud, à Bombay surtout, on rencontre une espèce de bâtiment côtier, rapide à la marche, de cent à deux cents tonneaux, employé par les commerçans natifs de ce port à recueillir, depuis le golfe de Cutch jusqu’au cap Comorin, les produits du littoral : on le nomme patamar. Longs de soixante-quinze pieds sur une largeur de vingt, profonds de onze à douze pieds, ces jolis navires, montés par une douzaine de lascars, que commande le tandel ou patron, déploient au vent deux grandes voiles latines ; et quand soufflent les brises carabinées de nord-est refoulées par les Gauths, le patamar, sorti de Bombay avec une cargaison de sel, ou revenant vers le port avec un chargement de cocos, de bourre de coco, de noix sèches dont on a exprimé le suc (copera), d’huile, de bois de sandal, de poutres, de poivre, s’incline tellement sur la vague floconneuse, que l’on applaudit à la hardiesse du matelot hindou. S’il n’a pas le courage qui fait entreprendre les longs voyages, au moins a-t-il l’intrépidité du pêcheur et du pilote. Durant la belle saison, en janvier, février et mars, ces caboteurs savent habilement profiter des brises du large et des brises de terre pour entrer dans les baies ou s’élever de la côte. La forme de leurs voiles favorise une navigation à laquelle ils sont particulièrement appropriés. Sur tout ce littoral montueux, il n’y a