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des Seychelles, de Maurice et de Bourbon, les Portugais de Mozambique, se donnent rendez-vous. Ce sont des bazars en plein air, rafraîchis par les brises attiédies d’un hiver à peine moins chaud que nos printemps. Là se pressent les mulets, les chevaux, les ânes, les esclaves que fournit l’intérieur : les caravanes apportent la gomme, l’encens, la myrrhe, l’ivoire et l’or ; mais les marchandises sont envoyées là, en grande partie, par de petits souverains, qui, comme leurs confrères de la côte occidentale, ne dédaignent pas de vendre leurs prisonniers et même leurs sujets. Les Somaulis, de race africaine, si défians qu’ils ferment, dit-on, leurs ports aux navires arabes, ont cependant formé des établissemens aux environs de Moka. Ce sont des individus de cette race qu’on voit dans des canots traverser la Back-Bay d’Aden, les cheveux teints d’un mélange de boue et de chaux, frisés en longues mèches, et quelquefois la tête entièrement couverte d’une calotte terreuse, qui semble un abri contre le soleil. Sans doute ces Somaulis, placés sur les bords du grand Océan, eurent, au temps où la Nubie et l’Abyssinie étaient florissantes, une part considérable dans les expéditions commerciales dont le golfe de Suez était le centre.

Quant aux dows qui se hasardent hors du détroit, il y en a de trois à quatre cents tonneaux, à un seul mât, à une seule voile ; il faut un équipage de cinquante matelots pour hisser cette vergue colossale, que la force du vent fait ployer, et encore monte-t-elle lentement au mouvement cadencé des cent bras nerveux que règle le roulement du tambour. C’est en octobre, au commencement de la mousson de nord-est, que tous ces navires s’empressent de sortir pour voguer, vent arrière, sur la mer des Indes ; la mousson contraire les ramènera, car ils sont condamnés par la constance des brises à ne faire par an qu’un seul voyage. Ceux qui partent de Mascate, du golfe Persique, de l’embouchure de l’Euphrate, plus favorisés par ces mêmes vents alisés, qui les prennent en travers, vont et viennent à volonté durant toute la belle saison. Ainsi, dès que les beaux jours d’automne font régner sur cet océan tranquille le souffle régulier qui ne cessera qu’aux orages de l’été, de Moka, de Djiddah, de Makalla (où les Anglais ont un dépôt de charbon à la barbe du petit sultan de l’endroit), s’élancent par flottilles ces gros dows, plongeant la proue dans l’écume des vagues, relevant bien au-dessus d’une mer scintillante et illuminée du plus éclatant soleil la poupe à balcon sur laquelle le nakoda ou capitaine s’assied à son aise pour fumer la longue pipe et boire le café. Le voyageur qui prend passage à bord