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doutés, et, franchissant les stations intermédiaires, s’en vont chercher les produits d’une contrée lointaine, le plus près possible de leur source.

Cependant, si aucune expédition hasardeuse dont la tradition se soit conservée (excepté celle qu’Alexandre envoya sur les côtes de l’Inde, encore était-ce une expédition conquérante) ne fut entreprise durant une si longue série de générations, si la boussole était la première condition de tout voyage de découvertes, de proche en proche, de port en port, le trajet voulu s’effectuait. L’Assyrie, l’Égypte, la Rome des Césars, et enfin Byzance, soutirèrent les richesses de l’Orient ; la soie de Chine, les épices des Moluques et de Ceylan, les perles du Bahrain et de l’Inde, les esclaves et les parfum de l’Éthiopie, les cotons de l’Indus, s’acheminaient vers l’ouest par deux routes, la mer Rouge et le golfe Persique. Chacun des peuples qui déversaient dans la barque voisine le produit de son sol ne connaissait que cette place intermédiaire où l’habitude le conduisait ; donnant d’une main et recevant de l’autre, le marchand savait à peine d’où venait et où allait la cargaison achetée ou vendue. Le commerce était alors entre les nations un lien presque mystérieux que la moindre guerre devait nécessairement rompre sur quelque point.

Placée comme un grand fleuve entre deux parties du globe assurément bien différentes l’une de l’autre, et qu’elle semblerait plutôt unir que séparer, la mer Rouge vit s’élever, dès les premiers âges, sur le côté asiatique surtout, des places maritimes. Au fond du petit golfe d’Akaba, s’élevait Asiongaber, la grande cité d’où partirent les vaisseaux de Salomon pour aller à Ophir chercher l’or, les pierres précieuses, et cette matière inconnue (algumim ou almugim), bois de construction ou corail que les interprètes n’ont pu déterminer[1] ; sur la rive opposée, Bérénice offrait son port aux navigateurs de l’Arabie, aux marchands de l’Asie orientale, qu’accueillit plus tard la petite rade de Schavana (Myos-Hormos)[2], quand, par des raisons

  1. Un écrivain anglais a essayé de prouver dernièrement que cette mystérieuse contrée d’Ophir devait être le pays d’Ava, parce que, dit-il, aujourd’hui même le commerce tire de ce pays tout ce que Salomon faisait transporter par les flottes qu’il envoyait à Ophir ; mais, en admettant que les Phéniciens entretinssent des relations suivies avec les ports de l’Inde (et lesquels ?), n’est-il pas plus naturel de s’en rapporter aux paroles de l’historien Josèphe, qui place en Afrique cette aurea regio ?
  2. Strabon parle d’une seule flotte de cent vingt vaisseaux destinée au commerce de l’Inde, et sortie, de son temps, du port, de Myos-Hormos.