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naissance de Marillac que son cœur de militaire et sa probité, il est trop facile de reconnaître l’œuvre d’un subalterne chargé de calomnier les morts au profit des vivans. Nous avons déjà constaté que, dans le volumineux travail édité par M. Petitot, les quinze premiers livres seuls ont été écrits par Richelieu. Ceux qui suivent paraissent composés de notes émanées de divers rédacteurs, au milieu desquelles sont intercalés des mémoires originaux et des documens précieux préparés par le ministre pour le roi ou pour les plus secrètes délibérations de ce qu’on appelait alors le conseil étroit.

Cependant Gaston avait pénétré en France rempli de cette confiance toujours funeste aux proscrits. Les maréchaux de La Force et de Schomberg reçurent bien à regret l’ordre de s’opposer avec toutes les forces disponibles de la monarchie à la marche de l’héritier du trône. Placés entre les périls de l’avenir et un péril beaucoup plus immédiat et plus certain, ils se décidèrent pour la cause que le ciel avait secondée jusqu’alors, et qui avait à son service de si éclatantes récompenses et de si terribles châtimens. Monsieur, d’ailleurs, depuis son entrée dans le royaume, avait marché de faute en faute. Les étrangers réunis sous ses ordres incendiaient les villes, ravageaient les campagnes, et marchaient sans discipline comme à une victoire assurée. Au lieu de se cantonner dans les provinces de l’est, pour préparer dans l’armée des défections importantes, ce prince se dirigea par l’Auvergne sur le Languedoc, afin de profiter de la soudaine défection du duc de Montmorency et de la présence des huguenots. Cette résolution le perdit.

Le XXIIIe livre des Mémoires fait toucher au doigt toute la gravité de cette faute. On peut y voir sous un jour tout nouveau, et, il faut le dire, assez peu honorable, la conduite de la noble victime de cette insurrection. Ce livre nous montre Montmorency s’efforçant de tromper la cour et de se ménager avec elle, alors qu’il a déjà donné des assurances à Monsieur ; il réduit aux mesquines proportions d’un acte de faiblesse et d’imprévoyance un évènement dont on aimerait au moins à élever le principe jusqu’à la hauteur de la catastrophe qui le termine. En se jetant dans le midi, le duc d’Orléans changeait le caractère de son entreprise, car il en subordonnait le succès à l’éventualité d’un soulèvement des réformés. Dès ce moment, l’héritier de la couronne n’était plus que le continuateur décrédité de l’œuvre de Henri de Rohan ; il prenait le rôle toujours chanceux de chef de parti, au lieu de faire valoir des droits auxquels le plus léger incident pouvait donner ouverture.

M. de Montmorency était issu d’une race qui avait habilement ménagé