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roi, une princesse de la maison de Lorraine, Monsieur se voua, avec autant de soin qu’en comportait sa légèreté naturelle, à préparer l’invasion du royaume. Devenu à Bruxelles le centre d’une émigration considérable, il organisa une armée de stipendiés allemands, suisses et polacres, reîtres sans foi ni loi, dont les mémoires du temps tracent à l’envi les plus hideuses peintures. Cependant le péril était moins dans ces rassemblemens désordonnés que dans les fidélités douteuses, et l’heure des épreuves décisives avait sonné pour le pouvoir et le système politique de Richelieu.

La publication intégrale des dix volumes fournis par le manuscrit des affaires étrangères a révélé sur cette grande crise intérieure des détails entièrement inconnus aux historiens du XVIIe siècle et à tous les écrivains qui les ont suivis. Elle a mis en évidence le péril vraiment imminent auquel la campagne de Monsieur exposa la monarchie française et la personne de Louis XIII. Un grand nombre de gouverneurs et de commandans de places fortes avaient lié avec l’héritier du trône des rapports qui n’échappaient point à la sagacité du ministre, mais que la prudence lui prescrivait souvent de paraître ignorer. Le duc de Guise, en Provence, avant son remplacement par le prince de Condé, avait organisé des forces navales considérables, et s’était vainement adressé aux principaux chefs des réformés pour en obtenir un concours qu’un prince de la maison de Lorraine ne leur avait assurément jamais demandé. Les mouvemens du duc d’Épernon dans sa province de Guyenne, les levées nombreuses entreprises par lui sans ordre de la cour, ne donnaient pas moins d’inquiétude au cardinal, et de tous les gouverneurs des provinces méridionales du royaume, M. de Montmorency était peut-être celui dont la fidélité fut long-temps le moins suspecte à la cour. Les parlemens, de leur côté, essayaient contre le système unitaire de Richelieu cette opposition sourde et hargneuse qu’un succès de quelque importance aurait convertie en une hostilité déclarée. Celui de Paris, sous prétexte d’une violation de prérogative, s’était refusé à enregistrer les arrêts du conseil par lesquels les adhérens de Monsieur étaient déclarés atteints du crime de trahison et de lèse-majesté.

Comment s’étonner de ces résistances, lorsque la couronne était portée par un roi valétudinaire alors sans postérité, à la vie duquel des pronostics réputés infaillibles assignaient un terme prochain ? Quel général n’eût hésité à faire usage de ses armes ? quel magistrat n’eût tremblé sur ses fleurs-de-lis en apposant sa signature à un acte dirigé contre l’unique héritier du trône ? Du côté de Monsieur, Ri-