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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

vrit alors en Italie la succession du duché de Mantoue, avaient fait évanouir les derniers scrupules du roi catholique. Son gouvernement s’entendit secrètement avec la ligue des cités huguenotes et leur promit argent et secours de toute nature. Il leur envoya des officiers, et reçut à Madrid un agent accrédité du duc de Rohan pour négocier les bases d’une grande scission territoriale, destinée à préparer l’établissement d’une république fédérative sur le type de la confédération des Provinces-Unies. Les archives de Simancas ont laissé sortir de leurs cartons l’arrangement passé le 3 mai 1629 avec Clauzel, gentilhomme du duc de Rohan, arrangement par lequel ce seigneur, moyennant 600,000 ducats d’or, s’engageait à entretenir douze mille hommes de pied et douze mille chevaux, pour faire en France telle diversion qui plairait au roi d’Espagne, s’obligeant à ne signer aucun accommodement avec le roi très chrétien sans l’approbation préalable du roi catholique[1]. Une dernière lutte ne pouvait donc manquer de s’engager dans ces provinces de la langue d’oc, qui depuis l’origine de la monarchie s’étaient, pour ainsi dire accrochées à toutes les hérésies religieuses et à toutes les rébellions politiques pour défendre leur nationalité contre la grande unité française. Celle-ci était appelée à triompher encore une fois du principe romain et du principe féodal si étroitement associés dans les mœurs et les institutions des provinces méridionales du royaume. Mais avant d’atteindre ce résultat, assuré par la victoire de La Rochelle, il y avait à résoudre une question d’un intérêt majeur pour l’influence extérieure de la France, question que le moindre retard aurait infailliblement perdue.

Le décès du duc de Mantoue appelait à cette succession le duc de Nevers, son héritier collatéral, et l’Espagne s’entendait avec l’empire

  1. Dans son mémoire adressé au roi d’Espagne, Clauzel prévoyait le cas possible du triomphe absolu de la république méridionale des huguenots : « Si M. de Rohan et ceux de son parti peuvent devenir assez forts pour se cantonner et pour former un état particulier, en ce cas ils promettent la liberté de conscience et le libre exercice de leur religion aux catholiques, lesquels jouiront de tous leurs biens présens et à venir, et ne seront pas plus chargés que les autres des impôts et des taxes. Les ecclésiastiques, les religieux ou religieuses seront maintenus dans leurs honneurs et dans leurs dignités ; les catholiques entreront dans les magistratures ; il y aura égalité de justice partout, et les catholiques seront admis dans les parlemens, chambres de comptes, présidiaux, sénéchaussées, et dans tous les offices de justice. Enfin ils seront conservés dans tous leurs biens, honneurs et dignités, comme ceux de l’autre partie, excepté en ce qui regardera la sûreté des deniers. » (Archives de Simancas, cot. A, 63, 81.)