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rénité de ses espérances. L’Angleterre était armée contre la France et se préparait à de formidables efforts. La Hollande, échauffée par l’esprit de secte, menaçait de nous abandonner. L’empereur, aidé du duc de Lorraine, songeait à attaquer Verdun ; le duc de Savoie menaçait la Bourgogne, et des avis secrets laissaient redouter les mauvaises dispositions de Venise, où Mme de Rohan avait noué des relations. L’Espagne enfin gardait une neutralité évidemment malveillante. Cette grande puissance catholique n’oserait peut-être pas éclater tant que la lutte conserverait la couleur toute religieuse que lui imprimaient la révolte des huguenots et l’intervention du puritanisme anglais ; mais il était à craindre que ce caractère ne se modifiât bientôt pour laisser prévaloir une pensée toute politique. De grandes factions menaçaient l’autorité royale ; Monsieur était une arme dans la main des mécontens et de l’étranger, et sa légèreté offrait seule une garantie contre son ambition. Un prince du sang plus dangereux, le comte de Soissons, avait quitté le royaume, et pouvait devenir un instrument redoutable. Si, pour encourager le roi à combattre l’hérésie, l’Espagne venait de négocier spontanément un traité d’alliance, et d’offrir le concours de ses armées navales contre le cabinet britannique qui l’avait récemment offensée, rien qu’à voir la lenteur de ses préparatifs, et les conditions qu’elle imposait à une intervention active, il était évident que cette puissance n’était pas sincère. D’ailleurs, le ministre avait surpris le secret de ses démarches à Londres et de ses manœuvres ténébreuses sur plusieurs points. Aussi la France devait-elle se méfier grandement de la cour de l’Escurial, et surveiller de près les manœuvres de son escadre, alors déployée le long de nos côtes. Cependant cette connaissance des dispositions intimes de l’Espagne ne devait pas nous empêcher de nous montrer pleins de confiance dans son concours, afin de la compromettre aux yeux de l’Europe par cette union apparente et par un échange de bons procédés.

Il est curieux de compléter aujourd’hui cet exposé tiré du portefeuille de Richelieu par les révélations que deux siècles ont apportées à l’histoire. Les archives de Simancas, dépouillées avec une rare sagacité par un écrivain contemporain, ont apporté des preuves péremptoires de la trahison de l’Espagne ; les dépêches autographes adressées par Philippe IV au marquis de Legañes et au marquis de Mirabel, son ambassadeur à Paris, constatent le vif désir de l’Espagne de voir échouer le siége de La Rochelle, et ses efforts pour arriver à ce résultat au moment même où ses flottes recevaient l’ordre de