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Tout prenait donc une face nouvelle, et cette société de transition dont les élémens s’agitaient jusqu’alors dans une confusion anarchique, se coordonnait tout à coup sous une influence souveraine. Le pouvoir s’y révélait à tous les yeux par l’unité de ses plans, la fécondité de ses vues et la terrible majesté de ses vengeances. Richelieu se sentait assez fort pour oser désormais davantage et pour reprendre des projets dont il n’avait pas cessé un seul moment de préparer le succès.

Les réformés avaient commencé à s’agiter sous les mêmes incitations, et l’année 1628 allait voir s’accomplir enfin un des évènemens les plus considérables des temps modernes. Le mouvement puritain qui menaçait Charles Ier se développait alors dans toute sa fougue, et la princesse française qui partageait avec lui ce trône ébranlé par la tempête venait de subir un sanglant affront. Au mépris des stipulations formelles du traité de mariage, sa maison avait été congédiée, et les sujets catholiques du roi d’Angleterre voyaient s’appesantir le joug de fer dont le mariage d’Henriette-Marie avait eu pour but de préparer l’allégement. Soubise était à Londres, échauffant toutes les passions protestantes au sein d’un parlement républicain et dans la chaire fanatisée. Quel que fût l’ardent désir de Richelieu de main-

    jeter le pourvoi en grace, contient le passage suivant, où l’ame du cardinal se révèle tout entière : « Tacite dit que « rien ne conserve tant les lois en leur vigueur que la punition des personnes desquelles la qualité se trouve aussi grande que les crimes. Châtier pour des fautes légères marque plutôt le gouvernement de cruauté que de justice, et met le prince en haine, et non en respect. Et quand on ne châtie que des personnes de basse naissance, la plus noble partie se rit de telles punitions, et les croit plutôt ordonnées pour les malheureux que pour les coupables. » Que si l’exécution tombe sur ceux dont les qualités sont aussi connues que les crimes, le crime diminue la compassion de la peine, et la qualité ôte aux autres la volonté de se perdre, parce qu’il ne leur reste aucune espérance de se sauver. Votre majesté trouve en cette rencontre ces deux conditions :

    « Les prisonniers appartiennent de près aux plus illustres maisons de ce royaume. L’un d’eux a rompu vingt-deux fois les édits, c’est-à-dire autant de fois qu’il a hasardé sa vie il a mérité de la perdre. Leurs crimes sont si publics, que nul ne peut improuver le châtiment, et l’extraction si bonne, qu’en ne leur pardonnant pas, vos édits seront dans un éternel respect.

    « Les grands qui ont entrepris de les sauver pourraient imputer leur salut à leur instantes sollicitations plutôt qu’à votre bonté, et eux-mêmes seraient capables de leur rendre plutôt hommage de leur vie qu’à votre majesté, qui serait le vrai et seul auteur de leur grace.

    « Il est question de couper la gorge au duel ou aux édits de votre majesté.

    (Mémoires de Richelieu, liv. XVIII.)