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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

avait contractée avec lui par le mariage de la reine votre mère, il n’avait pas laissé que de prendre une nouvelle liaison avec l’Espagne, le grand-duc, après avoir ouï patiemment ce qu’il lui dit sur ce sujet, fit une réponse qui signifie beaucoup en peu de mots, et qui doit être considérée par votre majesté et par ses successeurs : Si le roi eût eu quarante galères à Marseille, je n’eusse pas fait ce que j’ai fait[1]. »

Des combinaisons financières minutieusement étudiées suivent cet aperçu de la politique du ministre. Richelieu n’ignore pas, pour employer une expression qui lui appartient, que, « si l’argent est, comme on dit, le nerf de la guerre, il est aussi la graisse de la paix. » Dans cette partie de son travail se développent les notions les plus saines et, sous certains rapports, les plus avancées.

Richelieu passe en revue tout le système des impôts, tailles et fermages, tel qu’il avait été formé par la suite des temps et par une longue série de faits contradictoires. Il prépare dans sa pensée la suppression de la plupart des tailles, qui lui paraissent affecter le principe même de la production, qu’il dégage toujours avec une sagacité remarquable. Il n’est pas sans intérêt de le voir combattre à outrance les conversionnistes de son temps, et s’opposer, dans l’intérêt du crédit public, à la réduction des rentes établies sur le domaine et sur l’hôtel-de-Ville, et au retranchement des intérêts produits par les offices achetés à deniers comptans.

« Quand la justice de cet expédient ne pourrait être contestée, la raison ne permettra pas de s’en servir, parce que sa pratique ôterait tout moyen à l’avenir de trouver de l’argent dans les nécessités de l’état, quelque engagement qu’on voulût faire. Il est important de bien remarquer, à ce propos, que telle chose peut bien n’être pas contre la justice, qui ne laisserait pas d’être contre la raison d’une bonne politique, et qu’il faut bien se donner de garde d’avoir recours à des expédiens qui, ne violant pas la raison, ne laisseraient pas de violer la foi publique. Si on la garde en ce point, ainsi que je l’estime tout-à-fait nécessaire, l’état en sera beaucoup plus soulagé qu’il ne serait, quand même on supprimerait une partie de ses charges sans nouvelles finances, en ce qu’il demeurera maître des bourses des particuliers en toutes occasions, et ne laissera pas d’augmenter considérablement son revenu[2]. »

  1. Testament politique, chap. IX, sect. 5.
  2. chap. IX, sect. 7.