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« La séparation des états qui forme le corps de la monarchie espagnole en rend la conservation si mal aisée, que, pour leur donner quelque liaison, l’unique moyen qu’ait l’Espagne est l’entretainement de grand nombre de vaisseaux en l’Océan, et de galères en la mer Méditerranée, qui par leur trajet continuel réunissent en quelque façon les membres à leur chef.

« Comme la côte de ponant de ce royaume sépare l’Espagne de tous les états possédés en Italie par leur roi, ainsi il semble que la providence de Dieu, qui veut tenir les choses en balance, a voulu que la situation de la France séparât les états d’Espagne pour les affaiblir en les divisant. Si votre majesté a toujours dans ses ports quarante bons vaisseaux bien outillés et bien équipés prêts à mettre en mer aux premières occasions, elle en aura suffisamment pour se garantir de toute injure et se faire craindre dans toutes les mers par ceux qui jusqu’à présent y ont méprisé ses forces.

« Avec trente galères, votre majesté ne balancera pas seulement la puissance d’Espagne qui peut, par l’assistance de ses alliés, en mettre cinquante en corps, mais elle la surmontera par la raison de l’union qui redouble la puissance des forces qu’elle unit. Vos galères pouvant demeurer en corps, soit à Marseille, soit à Toulon, elles seront toujours en état de s’opposer à la jonction de celles d’Espagne, tellement séparées par la situation de ce royaume, qu’elles ne peuvent s’assembler sans passer à la vue des ports et des rades de Provence, et même sans y mouiller quelquefois, à cause des tempêtes qui les surprennent à demi-canal, et que ces vaisseaux légers ne peuvent supporter sans grand hasard dans un trajet fâcheux où elles sont assez fréquentes.

« Et quand même ils pourraient être servis d’un vent si favorable qu’ils n’auraient rien à craindre de la mer, le moindre avis que nous aurons de leur passage nous donnera lieu de le traverser, d’autant plus assurément que nous pouvons nous mettre à la mer quand bon nous semble, et nous retirer sans péril quand le temps nous menace à cause du voisinage de nos ports, qu’ils n’osent aborder. Par ce moyen, votre majesté conservera la liberté aux princes d’Italie, qui ont été jusqu’à présent comme esclaves du roi d’Espagne. Elle redonnera le cœur à ceux qui ont voulu secouer le joug de cette tyrannie, qu’ils ne supportent que parce qu’ils ne peuvent s’en délivrer, et fomentera la faction de ceux qui ont le cœur français.

« Le feu roi votre père ayant donné charge à M. d’Alincourt de faire reproche au grand-duc Ferdinand de ce qu’après l’alliance qu’il