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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

loppement de la grande pêche et l’extension du personnel de la marine française, sur la fabrication des toiles et des industries qui se rattachent aux armemens, sont du plus haut intérêt. Richelieu est peu favorable, on doit le comprendre, aux théories de liberté commerciale qui n’avaient pas cours de son temps. Disciple de Sully et prédécesseur de Colbert, sa préoccupation principale consiste à indiquer à la France les produits naturels et manufacturés qu’elle peut substituer avantageusement aux marchandises importées de l’étranger, marchandises dont toutes ses mesures tendent à diminuer la quantité. Le commerce des échelles du Levant, celui des pelleteries du Canada, la troque sur les côtes de Guinée, les moyens à employer pour enlever aux Flamands et aux Hollandais la navigation des mers du Nord dont ils avaient acquis le monopole, tout cela occupe le ministre non moins que les plus graves transactions diplomatiques ; enfin le programme complet de nos objets d’exportation et d’importation dressé par lieu de provenance, indique l’attention sérieuse et soutenue qu’il apportait à des matières que l’esprit de gouvernement essayait alors de réglementer pour la première fois[1]. Le développement de la puissance navale de la France se liait trop étroitement aux projets de Richelieu contre La Rochelle et contre l’Espagne, pour qu’une telle pensée ait lieu de nous étonner. D’ailleurs, des questions d’honneur et d’étiquette venaient à cette époque dominer les intérêts, et le cardinal avait gros sur le cœur l’affront essuyé par le duc de Sully lorsqu’il se rendait à la cour d’Angleterre comme ambassadeur du roi. Le duc avait rencontré dans le canal, à quelques lieues des côtes de France, une bamberge anglaise qui, au nom du roi de la Grande-Bretagne, souverain des mers, somma le vaisseau français d’abaisser son pavillon et le cribla de boulets jusqu’à ce qu’il eût déféré à cette odieuse prescription.

Les larges vues de Richelieu sur la liberté des mers témoignent de l’influence qu’exerçaient déjà sur le droit public de l’Europe les principes de l’école hollandaise, et les moyens indiqués dans l’un des plus importans chapitres du Testament politique pour l’établissement d’une puissante marine militaire permanente sont aussi saisissans par leur grandeur que par leur nouveauté. « Il semble que la nature ait voulu offrir l’empire de la mer à la France, par l’avantageuse situation de ses deux côtes, également pourvues d’excellens ports aux deux mers Océane et Méditerranée.

  1. Testament politique, chap. IX, sect. 6.